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Mai 1981: la victoire de Mitterrand en cinq temps forts

Le 10 mai 1981, le socialiste François Mitterrand remporte le second tour de l'élection présidentielle face à Valéry Giscard d'Estaing (UDF) qui brigue un second mandat. Quarante ans après, cinq temps forts de cette victoire.

- 20H00: le visage de Mitterrand se dessine -

Le 10 mai 1981 à 20H00, plusieurs millions de Français découvrent, yeux rivés à leur téléviseur ou oreilles collées au poste de radio, la victoire de Mitterrand face à Giscard. A TF1, le baromètre géant dont la température grimpe à côté du portrait de chaque candidat en fonction des voix engrangées, a terminé sa course plus haut pour le premier.

A Antenne 2, c'est le visage de Mitterrand se construisant brique par brique depuis le crâne sur un écran à fond bleu, blanc, rouge qui met fin au suspense.

Score sans appel: il remporte 51,7% des voix contre 48,2% pour le président sortant.

Chez eux des électeurs exultent, d'autres se figent, inquiets, ou même pleurent, catastrophés. Sur les plateaux de télévision, certains présentateurs peinent à cacher leur désarroi face à la première victoire d'un socialiste sous la Ve République. Après 23 années continues au pouvoir, la droite, affaiblie par ses divisions, est tombée.

- Danièle et la rose -

C'est à Château-Chinon, son fief de la Nièvre, que François Mitterrand apprend qu'il a gagné. Quand il vient au micro, il salue prioritairement les "forces de la jeunesse" qui lui ont donné la victoire.

Son épouse Danielle, rencontrée en 1944 dans la Résistance et avec qui il a eu trois fils, est à ses côtés. Simple et discrète, elle a des convictions bien ancrées à gauche. Au point d'expliquer sur le tard, en 2007, qu'elle s'est éloignée du PS parce que ses dirigeants n'ont "pas la fibre socialiste".

- Clameurs à Solférino et fête à la Bastille -

A Paris, des anonymes, militants, ou sympathisants se sont précipités aux abords du siège du PS, rue de Solférino, dès les premières rumeurs de victoire. A 20h00 la foule explose de joie et crie à tue-tête "Mitterrand président !".

Mêmes acclamations à l'intérieur, quand le premier secrétaire du PS Lionel Jospin monte sur le podium et évoque "la joie calme et sereine" des militants.

Bientôt, malgré la menace d'une grosse averse qui finira par éclater, une autre fête bat son plein. Place de la Bastille une foule d'environ 200.000 personnes est venue se masser devant un podium roulant, muni d'écrans géants et de hauts-parleurs. On se tombe dans les bras entre inconnus, on rit, on chante, on danse.

Sur scène, Bernard Lavilliers, Marie-Paule Belle, Jean-Louis Trintignant ou Coluche chantent ou saluent la foule. Lionel Jospin est très applaudi. Michel Rocard et Pierre Juquin (PCF) sont là, rivalités et divisions comme dissoutes dans la liesse générale.

- L'hommage au Panthéon -

Il voulait un geste fort pour marquer son entrée à l'Elysée. Le 21 mai, François Mitterrand organise un hommage solennel au Panthéon, dans le quartier latin, et dépose une rose rouge sur les tombes de Jean Jaurès, illustre socialiste, Jean Moulin, martyr de la Résistance, et Victor Schoelcher, figure de l'abolition de l'esclavage aux Antilles.

La foule est dense, les personnalités nombreuses, Daniel Barenboïm et Placido Domingo sont de la partie pour faire entendre l'Ode à la joie et La Marseillaise.

"Après ce chant de ferveur, repris par la foule, François Mitterrand, au grand effroi du service d'ordre, a été englouti par les manifestants, perdant même de vue son Premier ministre Pierre Mauroy, malgré la carrure de colosse de ce dernier", écrit ce jour-là l'AFP. "Sous une forte pluie qui a fait naître une forêt de parapluies multicolores, le chef de l'Etat a eu le plus grand mal à remonter dans sa voiture", une 604, qui le conduit à l'Elysée.

- "L'au-revoir" de Giscard -

Leur entretien de passation de pouvoir a duré 47 minutes. Après sept ans à l'Elysée, Valéry Giscard d'Estaing cède officiellement sa place à François Mitterrand le 21 mai 1981.

Aux Français, VGE a adressé deux jours plus tôt à la télévision un "message de départ" personnel, à la fin étonnante. Après avoir dit "Au revoir" d'un ton appliqué, le président sortant se lève de son bureau et s'éloigne vers le fond de la pièce. Les caméras le suivent, puis il disparait de leur champ, les laissant longuement fixées sur son fauteuil vide alors que la Marseillaise résonne.

Lorsqu'il quitte l'Elysée le 21, des partisans lui lancent des "Giscard à bientôt !" Ils ignorent que Mitterrand est dans la place pour 14 ans. Un record.

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