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Marie-Agnès Gillot, dernière révérence d'une grande étoile

"C'est un peu le dernier des Mohicans, c'est ça?", plaisante Marie-Agnès Gillot. Le 31 mars, la dernière grande étoile de sa génération fait ses adieux et une page de l'histoire du ballet de l'Opéra de Paris se tourne.

Après avoir passé trois mois à pleurer et à préparer son "deuil" avant la retraite traditionnelle à 42 ans, la danseuse est plus sereine.

"J'ai hâte que ça arrive", sourit-elle dans un entretien avec l'AFP.

Malgré une double scoliose, elle a réussi à gravir tous les échelons et elle est entrée dans les annales de l'Opéra comme la première étoile promue après un ballet contemporain.

Son départ marque aussi la fin d'une époque.

"Ma génération a été formée par les bébés de Noureev: Legris, Hilaire, Guérin, Loudières", affirme cette danseuse brune et longiligne dans sa loge remplie de photos, de costumes et de pointes.

"La génération qui arrive n'a pas vu ces grands noms sur scène", poursuit-elle, vêtue de la robe rouge d'"Orphée et Eurydice" qu'elle dansera pour ses adieux.

- "Rebelle, punk" -

En moins d'une décennie, l'Opéra a dit adieu aux plus grandes stars du ballet français: Manuel Legris (parti à Vienne), Nicolas Le Riche, Agnès Letestu, Aurélie Dupont (actuellement directrice artistique du ballet de l'Opéra).

Contrairement à cette génération, peu d'étoiles actuelles sont connues internationalement.

"Il y a plein de grands danseurs", affirme Marie-Agnès Gillot. Mais "il faut attendre pour qu'il y ait de grandes personnalités qui font avancer l'histoire de la danse".

L'étoile originaire de Caen --elle était une "provinciale" parmi les petits rats parisiens de l'Opéra-- a sculpté son caractère à l'image de son physique de nageuse.

"Athlétique, grande, atypique, personnalité rebelle, punk, j'ai tout entendu depuis toute petite", rit la danseuse qui avec son 1,73 mètre est l'une des plus grandes de l'histoire de l'Opéra.

Les grands chorégraphes contemporains se l'arrachaient: Jiri Kylian et William Forsythe, ses "chouchous", et bien sûr Pina Bausch et Carolyn Carlson dont le ballet "Signes" éleva Gillot au rang d'étoile en 2004.

Elle, dont Maurice Béjart disait qu'elle était la "meilleure", assure ne pas avoir "fait de priorité entre le classique et le contemporain".

"Chaque fois que je rencontrais un chorégraphe je me mettais vraiment à nu (...) c'est comme si je réapprenais à marcher. C'est rare, les gens ne veulent plus faire ça parce que c'est difficile".

Cette volonté de fer, elle l'a forgée grâce à cette double scoliose qui l'a obligée jusqu'à 18 ans à mettre un corset pendant des heures.

"Je sais que je vais y retourner dans mon corset" à moins d'une opération, dit la danseuse qui n'hésite pas à montrer une bosse dans son dos.

- "Jamais de passe-droit" -

La danseuse a transformé son parcours douloureux en parcours prodigieux, mais ses promotions sont obtenues de haute lutte. Elle se souvient encore d'une époque où son rôle consistait à "passer le balai sur scène".

"Moi, on ne m'a jamais fait de cadeau, je n'ai jamais eu de passe-droit", affirme-t-elle.

En France, on a du mal à gérer "les gens aux capacités hors normes", estime l'étoile, qui affirme avoir "fugué" une fois à New York à 18 ans alors qu'elle était depuis trois ans dans le corps de ballet.

La légendaire Sylvie Guillem "est arrivée sans beaucoup de mal car elle a été tout de suite portée par Rudolf (Noureev)". Elle a été nommée étoile à 19 ans, Gillot l'a été à 28 ans, soit un âge relativement avancé.

Débordant les frontières de l'Opéra, l'étoile a été l'égérie d' Hermès et Chanel et espère publier prochainement un recueil de poèmes.

Courtisée par le cinéma --un film où elle joue doit sortir en mai-, elle se voit bien un jour prendre la direction de la prestigieuse école de danse plutôt que celle du ballet de l'Opéra comme sa "pote" Aurélie Dupont.

Sa plus bouleversante expérience? "Danser avec mon fils dans le ventre jusqu'au septième mois!".

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