Accueil Actu

Mary Cassatt, virtuose américaine de l'impressionnisme enfin célébrée à Paris

Peintre américaine virtuose expatriée à Paris, unique fer de lance de l'impressionnisme aux Etats-Unis et figure féministe, Mary Cassatt a pourtant laissé peu de traces dans l'histoire de l'art français. Une rétrospective du Musée Jacquemard-André répare cet impair.

La cinquantaine d’œuvres exposées, dont la majorité provient de prêts de musées américains, rend hommage au travail de cette artiste originaire de la grande bourgeoisie américaine au coup de pinceau avant-gardiste et au caractère bien trempé.

Après s'être installée à Paris dans les années 1860, à seulement 22 ans, contre l'avis de ses parents pour étudier la peinture, Mary Cassatt rejoint le cercle des impressionnistes français. Elle passera plusieurs décennies en France, où elle est morte en 1926 et où elle est enterrée (dans l'Oise).

Tout au long de sa carrière, la peintre se démarque par son style "très proche des impressionnistes" et ses sujets "très personnels", commente Pierre Curie, conservateur du musée parisien. Malgré cela, déplore-t-il, "il n'y avait pas eu de rétrospective importante de Mary Cassatt depuis la fin du XIXe siècle".

La plupart des clients de l'artiste étant américains, "90 voire 95% de son œuvre est aujourd'hui en Amérique (...). C'est un des facteurs qui ont contribué à la faire un petit peu oublier", ajoute le conservateur.

Victime du nationalisme de l'époque, Mary Cassatt pâtit aussi de son statut de femme artiste.

"Les +machos+ impressionnistes n'ont jamais tellement mis en avant les qualités de leurs collègues femmes comme Berthe Morisot ou Eva Gonzalès", souligne Pierre Curie.

Proche d'Edgar Degas, qui l'intègre dans le mouvement impressionniste, Mary Cassatt subit cependant parfois les foudres du peintre, qui "était misanthrope et pouvait être très cruel", selon Nancy Mowll Mathews, commissaire de l'exposition.

"Je ne peux pas croire qu'une femme dessine aussi bien", lui lance ainsi Degas en 1892, décontenancé par sa toile "Jeunes femmes cueillant des fruits".

Degas peint en outre un "repoussant" portrait de Mary Cassatt, auquel celle-ci répond en faisant son autoportrait-- deux tableaux exposés dans le cadre de la rétrospective.

- "Modèle d'émancipation" -

La très ambitieuse Mary Cassatt ne s'est toutefois jamais laissée déstabiliser. D'après Nancy Mowll Mathews, l'artiste américaine aspire à "être une Michel-Ange au féminin" et voir ses "tableaux exposés dans les musées" aux côtés des plus grands artistes.

Les femmes qu'elle peint sont "grandes, très fortes et confiantes", conformément à l'image des femmes qu'elle souhaite projeter.

Dans son œuvre comme dans sa vie, la peintre "est un modèle d'émancipation", une personne "extrêmement autonome", complète Pierre Curie.

Après la dernière exposition du groupe des impressionnistes, en 1886, l'artiste trace en effet sa route en se spécialisant dans les peintures de mères et d'enfants.

Un choix à l'époque risqué pour cette femme ayant choisi de ne pas se marier et de ne pas avoir d'enfants, qui l'expose aux critiques... et confirme son talent.

"La plupart des autres spécialistes de la mère et de l'enfant de l'époque, et ils étaient nombreux, n'ont pas une grande place dans l'histoire de l'art maintenant, mais elle oui", souligne Nancy Mowll Mathews.

Au-delà de son propre travail, l'un des plus grands apports de Mary Cassatt est d'avoir fait la promotion de l'impressionnisme aux Etats-Unis, où le mouvement a eu un impact plus durable sur le public et les collectionneurs qu'en France, estime Pierre Curie.

Là-bas, elle est une célébrité de son vivant, organisant une exposition personnelle pour collecter des fonds pour le mouvement des "suffragettes". "Le message qu'elle envoyait", pour Nancy Mowll Mathews, "était qu'en 1915 les hommes et les femmes étaient égaux et ensemble les héritiers du grand art du passé."

À lire aussi

Sélectionné pour vous