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Avec "Tre Piani", Nanni Moretti écrit un nouveau chapitre de son roman cannois

Depuis quarante ans, sa caméra tisse un tableau irrésistible et juste de la société. En quête d'une seconde Palme d'Or à Cannes, Nanni Moretti ajoute une nouvelle pierre à l'édifice avec "Tre Piani" dont le message résonne avec le monde post-Covid : "La vie ne se limite pas à votre appartement. Sortez!".

"Mes films sont les chapitres d'un seul long roman", a déclaré le plus cannois des Romains en montant les marches avant la projection de gala de son film. Une fois n'est pas coutume, chez cette voix majeure du 7e art européen, qui écrit ses films et apparaît toujours au casting, "Tre Piani" est adapté d'une œuvre littéraire écrite par le romancier israélien Eshkol Nevo.

Le lauréat de la Palme d'Or 2001 avec "La Chambre du fils" a transposé dans la capitale italienne cette chronique des vies de familles voisines dans un même immeuble de trois étages. Le réalisateur incarne l'un des rôles principaux, celui d'un magistrat dont le fils, ivre, provoque un accident mortel en bas de chez lui et qui refuse de sacrifier ses principes pour lui éviter la prison.

Aux autres étages, un père de famille, qui a peur que sa fille ait été violée, devient obsédé par la quête de la vérité. Un autre, dont le premier enfant vient de naître, ne parvient pas à assumer son rôle et s'enferme dans le travail... Fin observateur de la société, Moretti offre une chronique oscillant entre tragique et plus léger, abordant des questions aussi vastes que la parentalité, la culpabilité ou l'engagement.

"Les personnages masculins du film sont emprisonnés dans le rôle qu'ils ont au sein de la famille. Il y a des nœuds qu'ils ne veulent pas dénouer (...) Les personnages féminins, eux, veulent toujours défaire les nœuds", a commenté Nanni Moretti auprès de l'AFP.

- longs applaudissements -

Le film tourné avant la pandémie, est prêt depuis mars 2020 et attend depuis d'être montré à Cannes, un rendez-vous que le lauréat du Prix de la mise en scène en 1994 pour "Journal intime", récit de son propre combat contre le cancer, puis de la Palme d'Or en 2001 avec "La chambre du fils", film déchirant autour de la perte d'un enfant, ne voulait manquer sous aucun prétexte.

"J'ai dit à mon coproducteur +s'il te plaît ne me dit pas combien Netflix offre ou peut offrir pour montrer le film sur mobile. Je ne veux pas savoir!", a plaisanté Nanni Moretti qui a déjà présidé le jury cannois. "Il y a deux ans si quelqu'un m'avait dit que j'aurais gardé le film dans le congélateur pendant un an et demi j'aurais dit c'est pas possible".

Mais Nanni Moretti, qui s'est attelé entre temps à écrire un nouveau scénario, a résisté à la tentation et n'a pas retouché ce treizième film qui résonne pourtant avec les confinements, tant les personnages paraissent étouffer dans le vase clos dans l'immeuble: "souvent on dit que mes films sont prophétiques", s'amuse Nanni Moretti: dans "Tre Piani", "on comprend qu'on ne peut pas s'enfermer dans son propre appartement, qu'il faut s'ouvrir au monde extérieur".

Présenté le même jour qu'une adaptation du romancier japonais Haruki Murakami signée Hamaguchi Ryusuke et le dernier film de la Française Mia Hansen Love, "Tre Piani" séduira-t-il le jury présidé par Spike Lee? Il a été très longuement applaudi par le public à l'issue de sa projection.

Cette sixième journée vient clore une semaine marquée par plusieurs oeuvres fortes: "Annette", de Leos Carax, le film d'ouverture, véritable feu d'artifice cinématographique avec Adam Driver et Marion Cotillard, en tête des notes données par les critiques sur les premiers jours et compilées par le magazine Screen International.

Mais aussi le film du Norvégien Joachim Trier, "Julie (en 12 chapitres)", portrait d'une jeune femme en proie aux questionnements de l'époque, a ému la Croisette et révélé une actrice, Renate Reinsve, ou "Benedetta" de Paul Verhoeven, sur une nonne lesbienne au Moyen-Âge, qui n'a pas laissé indifférent mais sans faire l'unanimité.

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