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Mort de Jean Piat, monstre sacré du théâtre et inoubliable "Roi maudit"

Il avait prêté ses yeux bleus et sa voix chaude à Cyrano sur les planches et Robert d'Artois à la télévision: monstre sacré du théâtre qui a marqué les mémoires dans le feuilleton "Les Rois maudits", Jean Piat est mort mardi à quelques jours de ses 94 ans.

Il s'est éteint huit mois après sa compagne, la romancière et comédienne Françoise Dorin, décédée en janvier et dont il partageait la vie depuis 1975. Ce sportif accompli, qui a toujours paru plus jeune que son âge et a consacré sa vie au théâtre, aurait eu 94 ans dimanche.

"Dominique et Martine, ses filles, ont la douleur de vous annoncer le décès de leur père", ont-elles écrit dans un communiqué à l'AFP.

"Jean Piat, cet immense homme de théâtre, incarnait l’élégance et le talent de la France qui disparaissent aujourd’hui à jamais avec lui", a réagi Brigitte Bardot.

"Parce qu’il était d'une modestie et d'une courtoisie extrêmes, nous oubliions parfois que Jean Piat était un de nos géants, qui brûlait de passion pour le théâtre et les grands textes", a tweeté le président Emmanuel Macron.

Pendant plus de 70 ans, Jean Piat, qui n'hésita pas à jouer dans le théâtre de boulevard, aura été Don César ("Ruy Blas"), Alceste ("Le Misanthrope") ou Don Quichotte, chantant après Jacques Brel, dans "L'Homme de la Mancha".

"Je joue, parce que quand je ne joue pas, j'ai l'impression d'être privé de dessert!", disait-il à 90 ans passés, l'oeil toujours pétillant.

Né le 23 septembre 1924 à Lannoy (Nord) dans une famille modeste et catholique, il fréquente le lycée Janson-de-Sailly à Paris et l'Institution de Sainte-Croix à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) avant d'être admis au Conservatoire national d'art dramatique. En 1946, il fugue pour tenir sans autorisation un rôle au cinéma dans "Rouletabille" et se fait expulser.

Cela ne l'empêche pas d'entrer un an plus tard à la Comédie-Française. Entre 1947 à 1972, il joue dans plus de 60 pièces.

"Il a fait partie d'une grande époque de la Comédie-Française, où il a surtout a joué 400 fois +Cyrano de Bergerac+", a affirmé à l'AFP Eric Ruf, administrateur général de la maison de Molière.

La première fut saluée, une fois le rideau tombé, par plus de cinquante rappels !

"Il y a quelques acteurs qui ont l'extrême privilège d'être imités par des générations d'élèves du conservatoire et dans ma génération, Jean Piat était imité, avec ce sourire magnifique et son élégance du dire" a ajouté M. Ruf.

- De Guitry à Gandalf -

Mais c'est le petit écran qui l'a largement fait connaître du grand public.

En 1972, il frappe les esprits dans la série en six épisodes "Les Rois Maudits", réalisée par Claude Barma et adaptée de l'oeuvre de Maurice Druon. Il y incarne le cruel Robert d'Artois, tout de rouge vêtu.

Pour la ministre de la Culture Françoise Nyssen, "son interprétation magistrale" dans ce feuilleton "lui a valu l’amour du grand public et a marqué les générations".

Il enchaîne ensuite les succès sur les planches, notamment "L'Affrontement" - qui lui vaut le Molière 1997 du meilleur adaptateur d'une pièce étrangère.

L'acteur Pierre Arditi, qui l'a vu jouer quand il était adolescent, a rappelé sa capacité à être "pluridisciplinaire".

Mylène Demongeot, l'une des dernières à avoir partagé la scène avec lui, a salué un "homme extraordinaire", tandis que Francis Huster, qui a également joué à ses côtés, a évoqué son "panache".

Au cinéma, la chance lui manqua souvent. Il doit jouer dans "Casque d'or" de Jacques Becker mais la Comédie-Française ne lui accorde pas son congé. Jean-Pierre Melville veut l'engager dans son projet de film "Arsène Lupin" mais le réalisateur meurt prématurément.

Le président du Festival de Cannes, Pierre Lescure, a salué "le talent, l'élégance, l'humour de Jean Piat".

Il travaillera toutefois avec Luis Bunuel dans "La Voie lactée", René Clément dans "Le passager de la pluie" ou Sergio Gobbi dans "La Rivale". Il a prêté sa voix aux personnages de Scar dans "Le Roi Lion" ou de Gandalf dans "Le Seigneur des anneaux".

Disney a remercié l'acteur disparu d'avoir apporté son "immense talent" à Scar dans Le Roi lion et Frollo dans Le Bossu de Notre-Dame avec "une saveur particulière".

Jean Piat a aussi beaucoup écrit. Son dernier livre, un retour sur sa carrière, "Et... vous jouez encore !", est paru en 2015.

Françoise Dorin, qui a écrit plusieurs pièces pour lui, avait joué un rôle décisif dans son départ de la Comédie-Française au début des années 70 pour le théâtre de boulevard dont elle était une grande plume.

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