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Olivier Guez et "le sale type" de Buenos Aires

"J'ai choisi le style le plus sobre, le plus sec, le plus âpre", expliquait récemment à l'AFP Olivier Guez, lauréat du Renaudot pour "la disparition de Josef Mengele" (Grasset).

Roman hallucinant mais vrai sur les dernières années du médecin tortionnaire d'Auschwitz, le livre d'Olivier Guez a été choisi lundi au 6e tour de scrutin.

Pour parler du docteur Mengele, un "sale type", connu pour ses expériences sur les jumeaux qu'il sélectionnait sur la rampe des chambres à gaz, "il n'était pas question de faire de la métaphore", confie l'écrivain et scénariste.

"Mon livre est un roman de non-fiction", dit-il. Le livre, effectivement âpre avec son absence d’adjectifs, est un des succès de librairie de la rentrée littéraire.

"Ce qui m'intéresse, m'obsède presque, c'est l'après de la période 1914-1945, la Seconde guerre de 30 ans européenne, avec ses 85 millions de morts", rappelle l'écrivain, 43 ans, auteur notamment de "L'impossible retour. Une histoire des Juifs en Allemagne depuis 1945" (Flammarion).

Trois ans d'écriture et de recherches, notamment au Brésil - où Guez a retrouvé la ferme où Mengele s'était terré -, ont été nécessaires pour aboutir à "La disparition de Josef Mengele". "Quasiment tout de ce qui est raconté dans le livre est étayé historiquement", assure l'écrivain.

Le lecteur découvrira avec stupeur que le criminel de guerre, arrivé clandestinement en Argentine en juin 1949 sous le nom d'Helmut Gregor - "le nom de l'homme qui se transforme en cafard dans +La métamorphose+ de Kafka", fait remarquer Olivier Guez -, obtiendra tout à fait légalement un passeport de la part des autorités allemandes au nom de Josef Mengele fin 1956.

- 'Monter sur le ring' -

Se coltiner avec ce "personnage abject et médiocre" n'a pas été une sinécure. "Ça a été compliqué de cohabiter avec Mengele. Mais à un moment il faut monter sur le ring. L'affronter".

Josef Mengele, enfant de la grande bourgeoisie industrielle bavaroise, rêvait "de se démarquer de son père et faire une carrière universitaire".

En fait, souligne l'écrivain, Mengele "est un pur produit de l'Allemagne nazie". "Ce médiocre va se couler parfaitement dans le moule de la médecine nazie".

Mengele, "l'opportuniste", demande lui-même d'aller à Auschwitz. Il est sur la rampe, en grand uniforme SS, pour "sélectionner" ses cobayes.

"Les médecins nazis ne voyaient pas les déportés comme des hommes. Pour eux, c'étaient littéralement des rats de laboratoire, des bactéries qu'il fallait éradiquer", raconte Olivier Guez. "A partir du moment où l’État l'encourage, l'autorise, il va faire ses expériences sans le moindre problème de conscience. Il n'a aucune empathie pour le genre humain".

Par contre, Mengele se soucie de lui-même. Il fuit l'Europe. En Argentine, il profite de la bienveillance de Peron à l'égard de tous les rebuts du Reich. Ex-collabos français, anciens officiers SS, Oustachis, Rexistes belges mènent grand train.

Contrairement à Eichmann qui joue "les matamores", Mengele est prudent. Lorsque Eichmann est capturé par des agents israéliens en 1960, Mengele se terre. "Un rat", dit Olivier Guez. Il quémande sans cesse de l'aide auprès de sa famille en Allemagne, il se cache au Paraguay puis au Brésil, vit de plus en plus misérablement.

Le criminel de guerre meurt sur une plage brésilienne en 1979, à 68 ans, "sans avoir affronté la justice des hommes ni ses victimes pour ses crimes innommables".

Olivier Guez espère que ses lecteurs "apprendront des choses tout en ayant l'impression de lire un polar".

Sélectionné d'office pour le Goncourt des lycéens, il se dit "très curieux" de la réaction des adolescents face à son livre.

Invité récemment d'une émission de radio avec trois membres d'un groupe de rock il raconte qu'"aucun d'eux n'avait jamais entendu parler de Mengele. J'étais sidéré".

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