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Opéra de Paris: la "Grande Boutique" se veut une nouvelle vitrine

Du haut de ses vénérables 350 ans, l'Opéra de Paris peut se targuer d'être non seulement le doyen des théâtres lyriques au monde mais aussi l'un des plus modernes en matière d'audace artistique.

Créée par Louis XIV en 1669, la "Grande Boutique" comme la surnommera par la suite Verdi risque toutefois de se voir rogner les ailes par l'État si elle ne change pas son modèle économique, diversifie son public et rend l'organisation plus fluide entre ses deux scènes, le palais Garnier et l'Opéra Bastille.

Des tâches qui attendent en 2021 le nouveau directeur, Alexander Neef.

Financement: la pyramide inversée

C'est un peu la quadrature du cercle depuis 10 ans: des subventions publiques en baisse de 10% et des coûts toujours importants. "On est passé de 60% de financement public à 40%, et de 40% de ressources propres à 60%", affirme à l'AFP le directeur Stéphane Lissner, dans un entretien avant la nomination de Alexander Neef.

L'Opéra est la scène la plus subventionnée de France: 95 millions d'euros de l'État pour un budget de 220 millions. Mais conscient que le gouvernement ne mettra plus la main à la poche, Lissner a fait presque doubler le mécénat (près de 18 millions d'euros).

Face au Met de New York ou le Covent Garden de Londres qui jouissent de philanthropes beaucoup plus généreux, M. Neef devra faire au moins aussi bien côté mécénat.

L'Opéra emploie au total 1.767 personnes, soit 149 millions d'euros de salaires (près de 70% des dépenses). M. Lissner a lancé à l'automne 2018 des discussions avec les syndicats pour plus de mutualisation, vu les "deux cultures" différentes à Garnier et Bastille.

L'Opéra compte sur la salle modulable (800 places) qui, inaugurée en 2023 à Bastille, devrait rapporter environ 3 millions d'euros par an.

"Si on ne fait rien (...) l'Etat imposera ses mesures et ça va faire mal", assure-t-il.

À ses détracteurs qui l'accusent de commander des productions coûteuses, M. Lissner rétorque qu'il a augmenté les recettes de la billetterie sans trop augmenter les dépenses (42 millions d'euros contre 41 en 2014).

Mais l'opéra reste cher: le plateau lyrique est de 80.000 euros par soirée, le "top-fee" de stars internationales à l'Opéra est de 17.000 euros par représentation et les metteurs en scène sont payés en moyenne 40.000 euros par production.

Répertoire: de l'audace, encore de l'audace?

M. Lissner a replacé Paris sur la carte lyrique du monde, avec des résultats contrastés: une production de la "Bohème", située dans l'espace, avait choqué, tandis que la sulfureuse "Lady Macbeth de Mzensk" a récemment séduit.

Selon Georges-François Hirsch, ancien directeur de l'institution, "il faut des productions qui peuvent être reprises régulièrement".

Lissner dit avoir dû renouveler des titres (la dernière Bohème datait de 25 ans) et a invité des metteurs en scène radicaux comme Tcherniakov ou Castellucci, car "l'opéra doit provoquer le débat pour survivre".

Tarifs: moins cher que le foot?

M. Lissner a réussi l'exploit de rajeunir le public à 48 ans pour l'opéra (en comparaison aux 58 ans au Met) grâce aux soirées à tarif réduit pour les moins de 40 ans et les moins de 28 ans. Mais l'image élitiste colle à la peau du lyrique et les prix y contribuent.

"Mitterrand voulait un opéra moderne et populaire. C'est toujours moderne mais ce n'est plus populaire", tranche M. Hirsch, administrateur au moment de l'inauguration de Bastille il y a 30 ans.

Le public reste aussi très parisien (39% de la capitale, 23% d'Ile-de-France, contre 13% de province). Or "tous les Français contribuent à l'Opéra par le biais de l'impôt", dit-il.

"Ceux qui vont au Parc des Princes pour un match de foot dépensent beaucoup plus qu'ils ne le feraient à l'opéra", argue M. Lissner. "C'est un choix: on n'aime pas l'opéra ou alors on est intimidé".

La moyenne des prix a légèrement baissé (91 euros cette saison contre 101 pour la précédente) et près de la moitié des billets sont en-dessous de 70 euros.

Ballet: les faux pas

M. Neef devra continuer de rasséréner le Ballet de l'Opéra de Paris, une des plus prestigieuses compagnies au monde, où l'ambiance a tourné un peu au psychodrame. En 2016, Benjamin Millepied, mari de Natalie Portman, claque la porte de la direction un an après son arrivée.

Il est remplacé par l'ex-étoile Aurélie Dupont qui lui reprochera d'avoir mis "le foutoir" avant d'être éclaboussée en 2018 par un sondage interne révélé dans la presse, où les danseurs dénoncent son manque de dialogue.

"Un audit a été mené et la directrice reçoit tous les danseurs régulièrement", affirme M. Lissner qui se félicite des "25% en plus de demandes d'abonnement la saison prochaine pour le ballet" comme pour l'opéra.

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