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Paul Schrader, malade: de l'ombre de Scorsese au couronnement tardif

Longtemps, il est resté dans l'ombre de Scorsese, fidèle scénariste de "Taxi Driver" à "Raging Bull".

A 76 ans, Paul Schrader acquiert enfin l'aura d'un grand cinéaste, mais confie à l'AFP qu'il est malade, et ne pourra peut-être plus tourner.

"Je ne peux plus respirer, je ne pourrais même pas diriger une partie de mini-golf à l'instant présent", a déclaré le réalisateur à l'AFP, lors d'une interview sur le Lido à la Mostra de Venise. "Je pourrais très bien être hospitalisé à nouveau demain".

Sa maladie, qui n'a pas été identifiée précisément, les médecins ne sachant lui dire s'il s'agissait d'une pathologie cardiaque ou respiratoire, s'est déclenchée quelques mois plus tôt, alors qu'il finissait son dernier film, "Master Gardener".

La figure du Nouvel Hollywood a cependant pu venir Venise, où la Mostra lui a remis un Lion d'Or d'honneur pour l'ensemble de la carrière, et où il a pu présenter, hors compétition, "Master Gardener" avec Sigourney Weaver et Joel Edgerton.

Comme souvent dans les films du réalisateur américain de "Blue Collar" ou l'an dernier "The Card Counter", déjà présenté à Venise, il est question d'hommes hantés par les fautes de leur passé, de violence, de paternité et d'une rédemption impossible.

Le film raconte l'histoire d'un jardinier au passé obscur et extrêmement sombre, pris dans un triangle amoureux, sur fond de tensions raciales.

"On ne pense pas à Paul Schrader comme quelqu'un qui écrirait de grands rôles pour des femmes. Mais, à cette étape de sa vie, il a crée deux femmes fortes et sexuelles", a observé Sigourney Weaver, interrogée par l'AFP.

- Reconnaissance tardive -

Ce n'est que très tardivement que Paul Schrader, qui a travaillé comme scénariste pour les plus grands, de Scorsese bien sûr à Steven Spielberg ("Rencontres du troisième type"), Brian De Palma ("Obsession") ou encore Sydney Pollack ("Yakuza"), a accédé à une pleine reconnaissance.

Sa première nomination aux Oscars (meilleur scénario) remonte à 2017 seulement, pour "Sur le chemin de la rédemption", avec Ethan Hawke, sorti directement en DVD en France.

"Comme plein de gars de ma génération, je voulais être De Niro, Al Pacino... et Paul était au centre de cette époque. C'est quelqu'un d'important pour moi. Travailler avec lui, c'était quelque chose de vraiment spécial", souligne Joel Edgerton.

Paul Schrader ne fait pas partie de ces réalisateurs "dont on sent que leurs meilleurs oeuvres sont derrière eux quand ils vieillissent", a ajouté l'acteur de 48 ans.

Si "Master Gardener" reprend des thèmes classiques, Schrader pense que la question raciale, qui émerge au fur et à mesure dans le film avec un personnage qui tente de surmonter son passé de néo-nazi sans en effacer toutes les traces, peut être brûlante aujourd'hui, "dans notre ère +woke+ où tout est jugé en fonction de qui pourrait être offensé".

"Peut-être que (le film) n'est pas réaliste, peut-être que ça ne pourrait jamais arriver. Mais c'est ce à quoi l'art sert. A créer des hypothèses", ajoute Paul Schrader.

Ses trois derniers films semblent indissociables avec leurs personnages cherchant la rédemption, au point qu'on pourrait y voir une trilogie. "Quand j'ai commencé à écrire le troisième, un ami m'a dit que c'était une trilogie. J'ai dit, non, pas du tout ! Mais ensuite je me suis rendu compte que c'était le cas".

Le Lion d'Or n'efface pas complètement une carrière en dents de scie, comportant son lot d'échecs critiques et commerciaux.

Travailler aujourd'hui est totalement différent, observe-t-il toutefois: les nouvelles technologies permettent de baisser les coûts de tournage, et donc de se libérer des contraintes des studios.

"La bonne nouvelle c'est que tout le monde peut faire un film aujourd'hui", souligne-t-il. La mauvaise, "c'est que personne ne peut en vivre".

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