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Photographie: Guy Le Querrec, grand conteur d'une Bretagne en pleine mutation

"Mon œil s'est constitué ici"... C'est dans la Bretagne des années 1950-1960, terre en pleine mutation des vacances de son enfance, que le photographe Guy Le Querrec s'est forgé un regard pétri d'humour et d'empathie, que dévoile une exposition à Rennes.

Membre de la troisième génération de l'émigration bretonne à Paris, Guy Le Querrec, photographe de l'agence Magnum connu pour ses photos de jazz publiées notamment dans le New York Times, aime à rappeler qu'il a ses "quatre grands-parents bretons". S'il n'a jamais vécu en Bretagne, il l'a beaucoup photographiée, avec quelque 5.000 clichés réalisés entre 1965 et 1980, du Morbihan aux ex-"Côtes-du-Nord", devenues Côtes-d'Armor.

"Quelqu'un m'a dit il y a deux ans +Ce serait bien que tu réveilles un peu la Bretagne+", raconte le photographe à l'AFP, lui qui était "peu regardé par la Bretagne" avant une triple exposition de ses clichés à Brest, Lannion et Lorient, en 2016.

Des scènes de travail dans les champs à Malansac (Morbihan), où ses parents venaient en vacances, aux débuts du tourisme de masse, en passant par les fêtes religieuses et folkloriques, les photos de Guy Le Querrec constituent un véritable répertoire documentaire.

"Guy Le Querrec nous livre un témoignage assez unique qui est encore très présent pour certains Bretons", reconnaît Hélène Decaen, responsable du pôle production des expositions. "Il a un regard hybride, avec à la fois des attaches très fortes en Bretagne et du recul, une qualité d'observation qui lui permet de livrer des témoignages d'une région en pleine mutation".

Photographe des loisirs, Guy Le Querrec relate un temps où l'on pouvait encore venir s'installer sur la plage avec sa voiture... Ses scènes de mariages saisissent des instants souvent décalés et drôles grâce à sa maîtrise hors-pair du cadre, du hors-champ et du détail, donnant parfois au réel un tour surréaliste.

- Insolite voire absurde -

Juchés sur une haie pour éviter d'avoir les pieds dans l'eau un jour de grande marée, les commissaires d'une course hippique, en costume cravate, attendent patiemment le passage des chevaux. Insolite voire absurde, la scène semble tout droit sortie d'un film de Jacques Tati. Plus loin, la compositrice de jazz Isabelle Olivier joue de la harpe en plein champ face à un troupeau de vaches.

"J'aime bien la dérision, l'insolite me convient bien", admet Guy Le Querrec, pour qui la photographie est aussi "une partie de cache-cache entre le réel et soi".

Photojournaliste, il fut aussi l’œil de la transformation économique de la Bretagne des années 1960 vers un modèle agro-industriel, avec l'arrivée des tracteurs et le développement de l'élevage hors-sol.

Célèbre cliché d'artichaut "volant" dans un panier lors d'une récolte à Saint Pol de Léon (Finistère) en 1973, rassemblements de paysans opposés au remembrement, ballet de tracteurs chevauchés par des jeunes gens, cigarette à la bouche... Guy Le Querrec rentre dans les coulisses d'un monde laborieux en transition entre deux modèles.

En 1978, le photographe de Magnum fut aussi l'un des premiers à couvrir la tragédie écologique de l'Amoco-Cadiz. Armés de pelles et de sacs-poubelle, des centaines de volontaires s'organisent avec les moyens du bord pour nettoyer les côtes bretonnes.

L'exposition, conçue comme un parcours, débute aux Champs Libres à Rennes et se poursuit au musée de Bretagne, où des étudiants de Rennes 2 ont mis en regard les photos de Guy Le Querrec avec celles du fonds photographique du musée. Elle se déroule jusqu'au 26 août.

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