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Photojournalisme: Patrick Chauvel, un demi-siècle sur tous les fronts

"M'arrêter? Je n'y pense pas. Pour l'instant tout va bien": il a couvert les principaux conflits de ces 50 dernières années, a été plusieurs fois blessé, mais Patrick Chauvel, 70 ans au compteur et l’appareil photo en bandoulière, est toujours prêt à partir à l'autre bout du monde.

"Quand je me retourne, j'ai un coup de fatigue. Putain, j'ai fait tout ça !", lance-t-il en souriant à l'occasion d'une rétrospective au festival Visa pour l'image de Perpignan.

Sur les murs, des dizaines de photos: guerre du Vietnam, jihadistes emprisonnés en Irak, Liban déchiré, Sarajevo assiégée, Afghanistan dévasté....

Parcourir ces clichés pris au plus près de l'action, c'est comme tourner les pages d'un livre d'histoire, avec en plus l'humour et les talents de conteur de celui qui a une "allée" à son nom au plus important festival de photojournalisme du monde.

"On se demande quelquefois à quoi ça a servi. Je prends ma première photo et ma dernière, elles se ressemblent presque, c'est le pays qui change. L'excuse, le prétexte ou la cause de la guerre eux changent à peine", indique-t-il lors d'un entretien avec l'AFP.

Mais "c'est une vie passionnante, on rencontre des gens extraordinaires dans des situations extrêmes. Pour rien au monde, j'aurais fait autre chose".

- "Envie de se dépasser" -

Petit-fils de diplomate, fils d'un grand reporter à l'AFP et au Figaro, Patrick Chauvel a hérité de "quelque chose d'unique" dès son plus jeune âge.

"Quand c'est Pierre Schoendoerffer (son oncle et cinéaste) et (le romancier) Joseph Kessel ou mon père qui racontent l'Histoire, c'est passionnant. Ils m'ont transmis ce romantisme, cette envie de se dépasser".

"A un moment, je me suis dit que je voulais absolument vivre quelque chose de fort. A 18 ans, j'y vais. J'ai le même âge que les soldats américains (au Vietnam)".

"Je pars à l'aventure, je tombe nez-à-nez avec la guerre, elle est violente, terrible, injuste, dégueulasse mais elle est aussi puissante. Elle fait ressortir ce qu'il y a de pire mais aussi ce qu'il y a de mieux dans l'Homme".

Pourtant, pas de stress post-traumatique, affirme-t-il. Pas de cauchemar: "je dors d'un trait". "Quand je reviens à Paris, je retrouve ma compagne, mes enfants. Au début, j'avais du mal, je n'aimais pas la foule, je n'avais pas envie de parler de conflits, ça sert à quoi de parler à des gens qui ne peuvent même pas imaginer ce que c'est?".

"Le danger, c'est de devenir mutique, solitaire, de se réunir qu'avec des gens qui ont connu ça. Moi ça va, je m'amuse bien à Paris", sourit-il.

Quatre fois marié, cinq enfants, le plus petit a cinq ans, un autre, Antoine, est également photojournaliste. "J'ai eu peur quand je me suis marié, je n'ai pas eu peur à Mossoul", lance, un brin bravache, ce grand séducteur.

- Fonds photographique -

Mais les horreurs de la guerre, tous ces morts, y compris parmi les amis journalistes, ne se laissent pas si facilement oublier.

"J'ai des cauchemars éveillés, mais pas quand je dors. Une odeur peut me faire penser par exemple à un tankiste brûlé que j'ai entendu crier trois semaines avant et qui est mort brûlé vif".

Et le métier a changé, la profession est sinistrée. Aujourd'hui, il y a "de plus en plus de photojournalistes, de moins en moins de journaux et les reportages sont de moins en moins en moins payés". Alors Patrick Chauvel s'est diversifié, il réalise aussi des documentaires vidéo, écrit des livres.

Un demi-siècle après ses débuts, le reporter pense aussi à ce qu'il va laisser en héritage. Un fonds comprenant 380.000 de ses photos et une centaine d'heures d'images vidéo, va être inauguré en décembre au Mémorial de Caen. Il sera accessible aux historiens, aux étudiants comme au grand public.

"Ca me fait bizarre d'être dans un musée... Je suis juste à gauche de Toutankhamon".

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