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Pour Christophe Honoré, l'opéra doit sortir de "l'entre-soi"

Son film "Chambre 212" était à l'affiche à Cannes, sa pièce de théâtre "Les Idoles" vient d'être sacrée par la critique et il présente jeudi sa cinquième production d'opéra, la Tosca de Puccini.

L'infatigable Christophe Honoré assume son côté touche-à-tout, mais le dramaturge, metteur en scène et cinéaste de 49 ans prend très au sérieux l'art lyrique qu'il trouve "incroyablement populaire", appelant à le faire sortir de "l'entre-soi".

Q: Jongler entre cinéma, théâtre et opéra, pourquoi?

R: Ça me stimule énormément. Je me suis mis dans une position de carrefour et je prends beaucoup de plaisir à alterner plateaux de théâtre, de cinéma, d'opéra. J'ai la chance de monter "Tosca" à Aix après "Les Idoles" au théâtre et deux films dont un est allé à Cannes. Je me nourris de ça.

Ça paraît à la suite mais ce sont des calendriers différents. "Tosca", on me l'a proposé et j'y ai énormément réfléchi depuis trois ans alors que je n'avais même pas écrit "Plaire, Aimer, Courir vite" (2017). Au cinéma, j'ai toujours eu comme principe qu'il fallait tourner vite, cette idée de patience est une mauvaise manière de faire du cinéma.

Je ne crois pas au mélange (entre les genres) mais à la friction; on se frotte à d'autres domaines plus qu'avant. Au théâtre, à l'opéra, on fait des références au cinéma, à la musique pop... Les puristes s'insurgent car ils se sentent menacés. Je pense qu'il ne faut jamais prétendre être le spécialiste de son art.

Q: Vous revendiquez votre amateurisme dans le lyrique?

R: Le fait de "ne pas savoir" m'excite beaucoup. Les gens pensent que c'est une sorte de désinvolture, ce n'est pas du tout ça. Ne pas savoir est la bonne position pour démarrer, ce n'est pas s'en foutre.

Je suis allé pour la première fois à l'opéra quand j'étais adolescent. Par la suite, j'y allais trois fois par an. Je ne me suis jamais senti spécialiste, je ne suis pas un fétichiste de l'opéra alors que ma cinéphilie est assez obsessionnelle.

Q: Un Christophe Honoré peut-il attirer le public à l'opéra?

R: Je serai très heureux si de jeunes spectateurs de "Les Chansons d'amour" (2007) se disent +après tout, on va aller voir Tosca+ et découvrent quelque chose qui n'a rien à voir, comme un chemin de traverse.

Q: Votre "Cosi fan tutte" de Mozart a été hué à Aix en 2016...

R: Il faut surtout ne pas prétendre montrer un opéra de Mozart tel que Mozart l'a rêvé, ça n'a aucun sens face à un public d'aujourd'hui, c'est de la fausse honnêteté. Cela fabrique des spectacles "musée Grévin" qui flattent une espèce d'orgueil culturel, un entre-soi, et qui n'interrogent en rien le spectateur. Ce genre de spectacles mettent à genoux le public face à une oeuvre décrétée comme intouchable. Or, la mise en scène est un lieu de perturbation.

Avec des oeuvres patrimoniales comme "Tosca" et "Carmen", on essaye de réinventer avec une humeur contemporaine, sans nécessairement faire un clin d'oeil à l'actualité.

Q: Considérez-vous l'opéra comme un art élitiste?

R: C'est compliqué à dire. Quand vous allez un peu à l'opéra, vous vous apercevez que c'est une forme d'art qui pour le coup est incroyablement populaire. C'est plus facile de comprendre un opéra que de comprendre un film. Tout est très clair, les émotions sont très précises, la musique vient les amplifier, c'est impossible de ne pas comprendre ce qui se passe sur scène, contrairement à certains films et pièces de théâtre. Les primospectateurs ressortent d'ailleurs très surpris d'avoir été immédiatement touchés.

Mais c'est élitiste dans le sens de "l'aristocratie" des spectateurs de l'opéra. Je ne parle pas du statut social, car il y a des gens qui viennent d'un statut populaire mais qui tiennent à s'afficher comme une catégorie d'élus.

Q: Doutez-vous de votre travail?

Il y a un doute permanent, essentiel. Parfois on vous dit "c'est très bien" et vous pensez que c'est pas bien. Et à l'inverse, parfois vous êtes très heureux de votre travail et vous voyez que les gens ne comprennent absolument pas.

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