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Printemps de Bourges/Jean-Claude Gallotta: "Bashung était même prêt à danser"

"Bashung s'était impliqué dans la mise en scène, il avait appris la chorégraphie et était même prêt à danser", lance Jean-Claude Gallotta, ému en se rappelant son éphémère collaboration avec le chanteur sur "L'homme à la tête de chou" de Serge Gainsbourg.

Dix ans après cette pièce jamais vraiment aboutie en raison de la mort de Bashung, le chorégraphe présentait la re-création de ce spectacle mardi soir en ouverture du Printemps de Bourges.

QUESTION: Avez-vous hésité avant de faire revivre ce projet ?

REPONSE: "Je n'avais pas très envie d'y revenir, même si je suis attaché à l'idée qu'un chorégraphe est aussi un auteur, car il y a dix ans on n'était pas identifié comme tel. Donc j'ai déjà repris mes pièces, mais celle-ci était tellement douloureuse que je ne voulais pas. Et il y a eu l'hommage à Alain pour les dix ans de sa disparition que voulait rendre le Printemps, alors je me suis dit +allez on y va+. Et finalement c'est bien, car finalement le deuil s'est fait depuis".

Q: Comment s'est passée votre rencontre, puis votre collaboration ?

R: "Un jour en 2004, il jouait à Grenoble et avait demandé après moi, il voulait que je danse pour lui sur scène. Mais je n'étais pas disponible. Quelques années plus tard, un producteur qui venait d'acquérir les droits de "L'homme à la tête de chou" m'a proposé d'en faire un spectacle de danse. Il fallait un chanteur et j'ai suggéré le nom d'Alain, qui a accepté. On s'est retrouvé dans une chambre d'hôtel à Grenoble et ils ont fait les arrangements avec Denis Clavaizolle. Alain était impliqué sur la mise en scène, il avait appris la chorégraphie qu'il devait faire sur sa chaise roulante et était même prêt à danser un peu. Ses musiciens étaient sur le côté, moi je pensais les mettre en fond de scène mais lui ne voulait pas car il disait que +les musiciens ça bouge trop+. Il avait un tel respect pour le spectacle qu'il refusait de mettre en avant la musique. Son humilité était immense, il se mettait au service de l'oeuvre et de la chorégraphie. Puis il est tombé malade, sans que je le sache. Après un long silence, il m'a appelé pour me dire qu'il ne ferait pas le spectacle. Je lui ai répondu que moi non plus. Il m'a dit +non, fais-le, ce sera mon testament. J'ai écouté ma voix, ça fonctionne+. Il est mort sans avoir entendu le résultat final".

Q: Y a-t-il une image qui reste gravée dans votre mémoire des moments intimes passés avec lui ?

R: "Un jour alors qu'il était de plus en plus faible, - je me rappelle de ses longues mains à la Nosferatu -, il m'a demandé ce que j'allais faire ensuite. Et là, je me suis mis à danser devant lui, en pleurant un peu. Je faisais des gestes amples avec mes mains, en silence. Il me regardait avec des yeux d'enfants, cela semblait miraculeux pour lui. Je ne sais pas où ça allait dans sa conscience. Moi j'avais en tête Vaslav Nijinski qui avait perdu la mémoire et ne se rappelait plus qu'il avait été danseur. Le danseur Serge Lifar avait été le voir dans son asile psychiatrique et il avait dansé devant lui pour lui rappeler ce qu'il était. Mais Nijinski ne s'en est jamais rappelé. Je me suis demandé si Alain retenait quelque chose de ce moment. Et on s'est quitté comme ça".

Propos recueillis par Nicolas PRATVIEL

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