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Qui est Emma, la dessinatrice qui est devenue célèbre en "révélant" la charge mentale qui pèse sur les femmes?

Encore inconnue il y a peu, la dessinatrice Emma a fait un carton cette année avec sa BD sur la charge mentale qui pèse sur les femmes. "Féministe", "révolutionnaire", cette ingénieure de 37 ans veut, avec ses dessins, passer des messages et "bousculer" le quotidien. Dans son petit loft de la banlieue parisienne, entre bouquins, tasses de café vides et jouets d'enfant, Emma profite de sa "nouvelle vie" devant sa palette graphique. La trentenaire, originaire de Troyes et installée à Paris depuis douze ans, vient de quitter son emploi d'ingénieure informaticienne pour se consacrer à temps plein à la BD et l'écriture. "Je suis hyper privilégiée", déclare à l'AFP cette femme affable.


"Je n'avais pas du tout anticipé ça"

En mai dernier, Emma a publié sur les réseaux sociaux une BD consacrée à la charge mentale, poids invisible lié à l'organisation du quotidien. Un succès fulgurant: 210.000 partages, des milliers de commentaires saluant son propos, et des traductions en anglais, allemand, italien ou japonais. "Je n'avais pas du tout anticipé ça", explique-t-elle, peu après la parution de son deuxième album "Un autre regard 2" (Massot éditions). "Souvent mes dessins sur la maternité, les tâches ménagères marchaient mieux, mais cela restait dans un cercle de personnes plutôt politisées et sensibles à ces questions".


Elle a découvert la charge mentale il y a six ans, dans un article

C'est dans un article qu'elle découvre ce concept il y a six ans: "C'était fou, enfin des mots matérialisaient quelque chose que je vivais mais que mon compagnon ne comprenait pas". A l'époque, la jeune maman le poste sur internet mais ça ne prend pas. Il faudra donc "faire un dessin" pour que s'impose dans l'actualité le sujet de l'inégale répartition des tâches domestiques. "Un thème universel", souligne Emma, pas mécontente d'avoir suscité quelques discussions dans les foyers. "J'ai même reçu des messages de femmes indiennes qui me parlaient des chaussettes de leur mec à côté du panier à linge !".


"Ce que j'aime c'est faire réfléchir sur notre société, dénoncer les injustices, et bousculer"

Diplômée d'une école d'ingénieur, évoluant dans un milieu professionnel "profondément masculin", cette "féministe du quotidien" a commencé à poster ses dessins sur un blog en 2016 pendant la contestation de la loi Travail. Inspirée par l'actualité et les anecdotes de proches, elle y attaque la double journée des femmes, le patriarcat, la méconnaissance du clitoris, et plus généralement aussi la classe politique, la précarité de certains emplois, les discriminations de race...

"Ce que j'aime c'est faire réfléchir sur notre société, dénoncer les injustices, et bousculer", explique cette "révolutionnaire", plutôt proche du NPA et des mouvements anarchistes. "Mais je sais que ces messages sont appréciés tant qu'ils sont sur un support un peu mignon et ludique". Le dessin n'est pour elle qu'"un vecteur". "Je ne me considère pas comme une dessinatrice", poursuit Emma, qui n'a jamais pris de cours.


"Je le sais que mes dessins sont moches"

Attaquée pour la qualité des illustrations, elle assume: "Je le sais que mes dessins sont moches. On n'achète pas mes livres parce qu'ils sont beaux mais parce qu'ils sont parlants." En cette année "riche pour la cause des femmes", elle a été régulièrement sollicitée pour des interventions et a fait la Une du Monde. Mais ne lui dites pas qu'elle est une des féministes de 2017, ça la met "mal à l'aise". "En montrant des personnalités féministes, on individualise le problème", estime-t-elle, vantant le collectif: "Il y a une oppression qui nous relie toutes. Si on tape dessus ensemble, au lieu de galérer chacune dans notre coin, on sera libérées".

Courtisée par des institutions, des politiques, et même une entreprise de ménage qui voulait lui faire dire que "les femmes de ménage allègent la charge mentale", elle décline toutes les propositions, refusant de "servir de façade". Maintenant qu'elle n'est plus occupée à "faire des logiciels qui ne servent à rien" d'utile socialement, elle aimerait écrire des livres jeunesse. Pas pour raconter des histoires de princesses, plutôt celles de "personnages atypiques et d'héroïnes pas forcément blanches, minces ou hétérosexuelles, pour que les enfants qui ne sont pas dans la norme puissent s'identifier".

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