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René Martin ou l'ambition de partager la musique classique

René Martin, fondateur il y a 25 ans de "La Folle Journée" de Nantes, a grandi dans une famille de petits commerçants qui écoutaient de la variété. Au gré d'explorations musicales, il découvre le classique, "un choc" qu'il s'emploie depuis à transmettre.

"Si je n'étais pas passionné par Charlie Mingus, ce n'est pas par mes parents ou par l'éducation que j'aurais découvert" le classique, explique-t-il. Et de raconter comment il a connu la variété, les fêtes bretonnes et les bals de mariage dans son village natal d'Héric, près de Nantes.

Fasciné par les percussions, jouant de la batterie, il lit l'histoire du jazzman américain Charlie Mingus, admirateur d'un certain Bela Bartok. Ce fut le déclic, le fameux "choc" qui conduit René Martin à l'achat de son premier disque de musique classique.

"Je n'imaginais pas que des musiques comme ça existaient. J'ai écouté les quatuors de Bartok, ensuite j'ai acheté l'intégrale des quatuors de Beethoven et j'ai découvert un monde extraordinaire", explique le sexagénaire en racontant solennellement ses tout premiers contacts avec la musique classique.

Le second choc intervient des années plus tard, lorsque le jeune père de famille, devenu organisateur des festivals de la Roque d'Anthéron (Bouches-du-Rhône) et de la Grange de Meslay (Indre-et-Loire), se rend à un concert de U2 au stade de la Beaujoire à Nantes.

"Je me suis dis +mais quel dommage que ces 35.000 jeunes n'assistent pas aux concerts que j'organise+, parce qu'au fond je suis persuadé que ça leur plairait", pense alors René Martin en observant les fans des rockeurs irlandais.

Il en tire une intuition qui sera à l'origine de "La Folle Journée": "si (ces jeunes) appréciaient la musique de U2, que j'aime beaucoup, ils pouvaient extrêmement bien apprécier +Le sacre du printemps+ de Stravinsky, mais le problème c'est qu'ils ne le connaissent pas".

Le mélomane, qui dit aimer aujourd'hui la diva pop Beyoncé, voit alors dans cette foule "de +jeunes René Martin en herbe+, lorsque j'avais 15-16 ans, que je ne connaissais absolument pas la musique classique" et imagine un festival classique où il pourrait recréer le "côté fraternel" des concerts de rock.

- "Un talent rare" -

C'est ainsi que débute à Nantes "La Folle Journée" en 1995, avec des ingrédients novateurs: concerts courts, prix attractifs, larges plages horaires avec des représentations tôt le matin et unité de lieu, permettant de circuler d'un spectacle à l'autre et de découvrir de nouveaux artistes.

L'édition 2019 devrait réunir "presque 200.000 personnes pendant presque douze jours" avec des concerts dans la région Pays de la Loire à partir de vendredi puis à Nantes du 30 janvier au 3 février.

Parmi les 2.000 artistes attendus, figure la pianiste française Anne Queffélec, présente à presque toutes les éditions et qui estime que René Martin a réussi son pari de faire du festival un lieu chaleureux et populaire.

"Dans la Folle Journée, il me semble qu'il y a une dimension de fraternité quelquefois encore plus forte (que lors d'autres spectacles, ndlr), dans la mesure où par exemple, c'est le seul cadre dans lequel on peut --ayant donné un concert soi même-- aller écouter d'autres musiciens tout de suite dans la foulée", raconte-t-elle.

Pour Anne Queffélec, René Martin "est quelqu'un de très généreux, très humble, dans le sens où il ne fait pas ça pour lui, pas pour l'argent, pas par ambition personnelle, il fait ça avec foi".

Johanna Rolland, la maire de Nantes, décrit, elle, "un immense passionné et un talent rare".

A 68 ans, l'organisateur de festivals au regard malicieux entend les éloges mais assure: "les courtisans, j'en ai très peu au fond, c'est-à-dire que je me protège, donc je ne mesure pas si je suis connu ou très connu ou moins connu, ce n'est pas ma priorité".

Père de 5 enfants, il reste focalisé sur l'ambition de sa vie: "désacraliser la musique classique" et faire vivre aux autres la rencontre qu'il a vécue étant jeune.

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