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Représentation des Noirs au cinéma: les quotas, "une des voies possibles" selon Aïssa Maïga

Pour lutter contre la sous-représentation, voire "l'invisibilité", des personnes noires au cinéma, les quotas pourraient être "une des voies possibles", selon la comédienne française d'origine sénégalaise Aïssa Maïga, à l'origine de la montée des marches de 16 actrices françaises noires et métisses mercredi en soirée au Festival de Cannes.

Q: Au-delà de cette montée des marches symbolique à Cannes, qu'attendez-vous ?

R: "On ne souhaite pas faire d'effet d'annonce, que ce mouvement soit un soufflé, qu'il retombe après avoir fait beaucoup de bruit. Ce qui nous intéresse, c'est d'instaurer le dialogue avec les gens qui font le cinéma, depuis le scénariste au financier en passant par le producteur, le réalisateur, le directeur de casting. On doit être dans un rapport plus rationnel, plus pragmatique, moins passionné, avec tous les gens du métier, même ceux qui ne sont pas issus de la diversité, car il y a des mots qui font réagir de façon épidermique, sans que l'on passe par la case débat, par exemple le mot quota, que je ne défends pas spécifiquement, mais qui peut peut-être devenir une des voies possibles."

Q: D'où vient ce problème de la sous-représentation des Noirs ou métisses à l'écran ?

R: "Il y a des raisons historiques, de l'héritage, de l'inconscient collectif. Par exemple lorsqu'un scénariste écrit une scène, un film, et que tous les rôles subalternes sont donnés à des non blancs, le fait d'assigner des personnages (issus de la diversité, ndlr) dans certains endroits d'un point de vue social, ou au contraire le fait d'être dans l'invisibilité, l'inexistence totale: ce sont des choses héritées. Mais il y aussi l'éducation, et à ce niveau, du point de vue du regard qu'on porte sur les autres, il y a des choses à déconstruire."

Q: Spike Lee, porte-drapeau de cette cause, est à Cannes. Est-il au courant de votre démarche ?

R: "Je pense que l'idée que les Noirs issus de la diversité française expriment leur droit à l'égalité, ça l'a touché, et il a manifesté l'envie de soutenir le mouvement. (...). Ce qui m'intéresse chez lui, outre son action pour la place des Noirs dans le cinéma, c'est la place qu'il a réservée aux femmes dans son cinéma. C'est vraiment pour moi un cinéaste féministe, un homme féministe par excellence, depuis "Nola Darling", où il défendait la liberté sexuelle, le droit à la différence, à l'autodétermination. C'est quelqu'un de vraiment précurseur sur ces valeurs dont on débat aujourd'hui en France dans le cinéma.

Depuis deux, trois ans la donne est vraiment en train de changer aux Etats-Unis et les séries y sont pour beaucoup. Dans leurs castings il y a une représentation des diversités incroyable. C'est aussi ce qui a permis l'émergence de figures nouvelles, des femmes noires, des femmes de plus de 50 ans, avec des rôles intéressants. Pour autant, quand je lis l'interview d'une actrice noire aux Etats-Unis, si on ne me dit pas qu'il s'agit d'une actrice américaine, je peux tout à fait avoir l'impression qu'il s'agit d'une actrice française. Il y a beaucoup de choses en commun, en termes d'invisibilité."

(Propos recueillis par Olivier LUCAZEAU)

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