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Romain Gavras: les films n'ont pas "le pouvoir d'arrêter la colère"

"Je ne suis pas sûr que les films aient le pouvoir d'arrêter la colère", se résigne le cinéaste Romain Gavras, en compétition au festival de Venise avec "Athena", film qui imagine l'insurrection d'une cité dans une France en proie à une guerre civile.

"On ne sait jamais si les films ont un impact sur les gens. Moi, c'est (de voir à l'écran) Marlon Brando qui m'a donné envie de fumer... Après, quand on est pétri d'une colère, je ne sais pas si voir un film va l'arrêter", a déclaré le fils de Costa-Gavras lors d'une interview avec l'AFP sur le Lido.

"Par contre, donner la vision, comme la tragédie grecque le faisait, d'un futur noir, c'est intéressant", poursuit le réalisateur, qui s'est affranchi de tout souci de réalisme pour ce film coup de poing, à l'esthétique à mi-chemin entre "Gladiator" et "Apocalypse Now", qui plonge dans une cité à feu et à sang.

Dans le film (en ligne le 23 septembre sur Netflix), qui empreinte au théâtre antique, l'insurrection se lève dans une cité défavorisée, qui demande justice après la mort d'un jeune. Hors-champ, la France tombe dans une guerre civile attisée par les provocations de l'extrême droite.

Une telle dystopie "permet d'explorer un cauchemar, ce que les choses pourraient devenir, et de le raconter avec une forme symbolique", souligne le cinéaste, auteur de nombreux clips musicaux, de Jamie XX à Kanye West en passant par M.I.A.

"J'ai eu une totale liberté" de tourner, précise Romain Gavras, qui avait fait polémique il y a une quinzaine d'années avec un clip ultra-violent pour Justice. "Les réactions des gens ne font pas forcément messe", évacue l'artiste, qui estime que "ce ne sont pas les films qui jettent de l'huile sur le feu".

- "En première ligne" -

S'il se refuse à tout diagnostic ou "message" politique, Gavras se nourrit dans "Athena" de l'actualité des dernières années, de la répression des manifestations de "gilets Jaunes" à la montée de l'extrême droite.

"L'accélération vers le pire, on la ressent un peu partout dans le monde, en France, en Grèce, aux Etats-Unis... On est nourri de tout quand on fait un film", explique-t-il.

"Quand un pays est fragile, c'est très facile de le pousser dans le précipice et d'exploiter une ambiance générale", constate le réalisateur, à la façon de l'extrême droite propageant des rumeurs toxiques dans "Athena".

En empruntant à la mythologie antique, "on voulait montrer de façon intemporelle que les tensions qu'on vit maintenant, c'est les tensions qu'on a vécu depuis la Grèce antique ou même la préhistoire... C'est toujours la même chose, des intérêts différents qui poussent à la guerre, au conflit. Et sur le terrain, c'est les gens qui ont une douleur intime qui vont être en première ligne".

A 41 ans, Romain Gavras, qui a co-fondé il y a deux décennies le collectif de cinéastes Kourtrajmé, reconnaît partager avec son père Costa-Gavras, 89 ans, "une façon de regarder le monde de manière pas manichéenne, où tout est un peu plus complexe que les gentils et les méchants, qu'il faut essayer de comprendre et de mettre en forme" à l'écran.

Quelles leçons retient-on d'un père comme lui, monument vivant du cinéma politique, auteur de chefs-d'oeuvre comme "Z" ou "L'aveu" ? "J'ai appris de lui de la rigueur... et de se brosser les dents chaque matin !"

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