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Un Requiem de Mozart "dansant" inaugure le festival d'Aix

Chanter le Requiem de Mozart demande déjà un certain souffle d'un choeur mais l'interpréter et le danser en même temps peut relever de l'exploit: c'est avec cette singulière version scénique de l'oeuvre que s'est ouverte mercredi la première saison de Pierre Audi à la tête du prestigieux festival d'art lyrique d'Aix-en-provence (jusqu'au 22 juillet).

Cette messe funèbre, donnée traditionnellement dans les concerts et les églises, a été transformée par le metteur en scène radical Romeo Castellucci en une célébration de la vie à travers des tableaux où se succèdent des pas rappelant les danses folkloriques.

La musique, à laquelle le chef d'orchestre de l'ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon, a ajouté des chants grégoriens est ponctuée également par la projection sur une toile à l'arrière-scène de noms de monuments disparus, du World Trade Center à la flèche de Notre-Dame, comme pour souligner la finitude de l'existence en même temps que sa célébration.

Fort d'un carnet d'adresses enviable, le Franco-libanais Pierre Audi a voulu créer crée l'événement dès sa première saison avec des œuvres jamais vues dans cette manifestation lyrique née en 1948 et considérée comme un "laboratoire d'opéras".

L'homme de 61 ans est son directeur le plus cosmopolite:né au Liban, où la tradition d'opéra n'existe pas, il a grandi à Paris, fait ses études d'histoire à Oxford, fondé le théâtre Almeida à Londres et a été directeur du Dutch National Opera pendant 30 ans, une longévité exceptionnelle pour un directeur de maison d'opéra.

Cette pointure du monde lyrique et lui-même metteur en scène veut "éveiller l'intérêt" des jeunes pour un art souvent jugé élitiste en commandant des oeuvres qui suprennent à des artistes comme Castellucci, Christophe Honoré qui va revisiter radicalement la Tosca de Pucini ou encore Ivo van Hove.

Il a également commandé une création mondiale singulière, un opéra en hébreu inspiré du conflit israélo-palestinien.

"Nous nous devons d'attirer le public vers une certaine nouveauté, vers des artistes qui se mesurent à des oeuvres inhabituelles du répertoire et ont des visions singulières", affirme-t-il à l'AFP.

"Cela suscite un regain d'intérêt et relance la discussion sur l'art de l'opéra", assure M. Audi, martelant que les "productions mi-figue mi-raisin ne font pas avancer l'art lyrique".

- L'ère du "clic clic" -

Il espère attirer davantage la jeune génération, but de toutes les maisons et festivals d'opéra. Son prédécesseur Bernard Foccroulle avait mis en place des tarifs réduits.

"Devons-nous leur faire découvrir l’opéra en le vulgarisant? C’est un paradoxe majeur car l'opéra est la forme artistique la plus sophistiquée", dit M. Audi.

"+Les jeunes+, c'est une population +immenssissime+. Il faut chercher parmi eux ceux qui ont une affinité et les intéresser à la musique, c'est cette carte qu'il faut jouer".

Et bien que les maisons d'opéra profitent des réseaux sociaux pour promouvoir leurs productions, M. Audi est plus circonspect: "avant, le public devait faire un effort (pour aller à l'opéra), maintenant il est moins curieux, car internet crée inévitablement un filtre dans lequel cet art doit passer le test du clic-clic".

Ce féru de cinéma, qui encore adolescent au Liban avait invité Pasolini et Jacques Tati à un ciné-club qu'il avait créé, aimerait que le festival "entre en contact avec le théâtre, la danse, les arts plastiques, la technologique, la musique contemporaine" et augmente le nombre de concerts.

- Amoureux d'opéra à 12 ans -

Infatigable, il vient de monter à Amsterdam un spectacle de 15 heures comprenant la majeure partie des sept opéras du cycle LICHT de Karlheinz Stockhausen.

Il a quitté le Liban à l'âge de 16 ans, deux ans avant que le pays ne sombre dans la guerre civile (1975-1990). "Il y a eu un trou, une période de 30 ans où je ne suis pas revenu. J'étais en colère".

Notant que sa culture orientale "a beaucoup nourri son travail", il dit revenir plus régulièrement au pays pour visiter son père (le banquier Raymond Audi) mais aussi pour sentir "cette génération de jeunes Libanais formidables, des artistes nés après la guerre et qui sortent du débat politique".

A 12 ans, il tombe amoureux de l'art lyrique et se souvient encore de son premier opéra: le Tristan et Isolde de Wagner, à l'opéra de Munich, en juillet 1969. "Mon père m'a dit que je ne m'étais pas endormi durant les cinq heures du spectacle, que j'étais fasciné!"

En sortant de cette soirée, il a suivi en direct l'alunissage de Neil Armstrong. "C'était comme une juxtaposition cosmique: la musique de Wagner et ce moment historique, pratiquement irréel".

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