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Yara al Hasbani, de l'enfer syrien à la danse à Paris

Il y a six ans, Yara al Hasbani terminait de se maquiller avant de danser dans un spectacle "Romeo et Juliette" à Damas. L'instant qui suivit, sa vie bascula, en apprenant la mort de son père sous la torture.

"La petite fille est morte à ce moment-là", raconte cette jeune femme de 24 ans, établie depuis trois ans en France où elle tente de se reconstruire une vie, à travers la chorégraphie.

Cette semaine, elle participe à la première édition du Printemps de la danse arabe, festival organisé par l'Institut du monde arabe (18 avril-23 juin). Yara y présente "Unstoppable", un solo de 12 minutes qui retrace son exil.

Elle se sent à des années lumière de l'époque où, comme des milliers de Syriens, elle a participé avec sa famille aux manifestations contre le régime de Bachar al-Assad au début de la révolte en 2011.

- La mort chorégraphiée -

Un an plus tard, son père est arrêté et 23 jours plus tard, son corps sans vie remis à la famille. "Ils ont dit à mon oncle qu'il était mort d'un arrêt cardiaque", dit la jeune Syrienne qui prenait des cours de danse professionnelle dans la capitale syrienne.

Cheveux courts teints en blond, avec un piercing au nez, cette Damascène savait que l'heure de l'exil avait sonné en 2014 quand elle-même reçoit des menaces. "Vous ne savez pas qui vous parle? Faites attention à vous-même", lui disait-on au téléphone.

Après un passage d'un an en Turquie, elle atterrit en France et suit quelques cours de danse à Rochefort et à La Rochelle.

"A Rochefort, je dansais dans les parcs", sourit la danseuse qui s'est installée en 2016 à Paris.

C'est sur les places du Trocadéro et de la République qu'elle va à la rencontre de son premier public étranger.

Elle crée ainsi l'émotion en montant une chorégraphie en hommage aux centaines d'enfants morts dans une attaque chimique en août 2015 contre la région rebelle de la Ghouta orientale près de Damas.

"Je me suis inspirée des photos, j'ai imité les positions des enfants recroquevillés", se souvient-elle.

Amère après une deuxième attaque à l'arme chimique cette année dans la même région, elle veut quand même continuer "à élever la voix pour que les gens n'oublient pas".

Choquée au départ par la vie parisienne, elle a été extrêmement émue en allant pour la première fois à l'Opéra Garnier.

"Quand le rideau s'est levé, j'ai éclaté en sanglots", se souvient la danseuse, qui va bientôt présenter une audition au Centre national de danse contemporaine à Angers pour étudier la chorégraphie, qui compte parmi ses anciens Angelin Preljocaj.

- De la danse pour les enfants -

Yara est allée saluer la danseuse étoile de l'Opéra Marie-Agnès Gillot le jour de ses adieux le 31 mars et s'est liée d'amitié avec le danseur Germain Louvet.

Son rêve? Rencontrer et peut-être travailler avec le chorégraphe contemporain suédois Alexandre Ekman. Mais aussi amener des costumes de danse à des enfants dans le camp de réfugiés syriens de Zaatari en Jordanie et leur donner des cours de danse.

Yara al Hasbani est parmi les sept chorégraphes invités à l'IMA pour présenter leurs travaux, dont les Libanais Alexandre Paulikevitch et Pierre Geagea mais aussi le Tunisien Imed Jemaa. Le festival se prolongera dans d'autres théâtres parisiens.

"Il s'agit d'une édition zéro qu'on souhaite continuer car il n'y avait pratiquement pas de danse contemporaine à l'IMA, juste orientale", explique Marie Descourtieux, directrice des actions culturelles dans l'institut.

"Il s'agit d'une programmation politique dans le sens où elle nous concerne comme citoyens du monde", selon elle.

Le monde arabe a connu ces dernières années un foisonnement de chorégraphies contemporaines arabes, présentées notamment au festival BIPOD (Beirut international platform of dance) d'Omar Rajeh qui en est à sa 14e édition.

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