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Anaïs Bourdet, de "Wonder Woman" à militante féministe désabusée

Créatrice du blog "Paye Ta Shnek" où les femmes témoignent de leur harcèlement, la Marseillaise Anaïs Bourdet vient de jeter l'éponge, épuisée par sept ans d'un combat "hyper sportif", dont elle ressort "désabusée" mais pas totalement "désengagée".

"Je n'en peux plus. Je n'y arrive plus", postait le 23 juin cette graphiste de 34 ans après une nuit agitée.

Elle arrête alors "Paye Ta Shnek" (très vulgairement, "offre-moi ton sexe"), le blog qu'elle avait lancé sur Tumblr en 2012 et qui a ouvert la voie à de nombreux autres sites de témoignages --bien avant la vague #Meetoo-- sur un constat amer.

Ce soir-là, la Marseillaise s'est fait agresser dans un bar après avoir refusé de "danser avec un mec", sa meilleure amie a été plaquée contre un mur pour avoir voulu s'interposer, avant qu'elles ne voient dans la rue un homme frapper une femme.

"J'avais un énorme sentiment d'impuissance", résume-t-elle trois mois plus tard, de sa voix rauque. "Le bilan, c'est qu'il n'y a concrètement pas de progrès en France dans la lutte contre le sexisme", poursuit la jeune femme cachée derrière des lunettes de soleil rondes en enchaînant les cigarettes.

Lorsqu'elle lance le blog, Anaïs Bourdet ne se sentait pas l'âme d'une militante féministe, malgré les conseils distillés par sa mère qui l'encourage à ne pas dépendre financièrement d'un homme.

Et elle n'imagine pas un tel succès. Sur Facebook, elle enregistre jusqu'à 225.000 abonnés.

"Ça m'a complètement dépassée et cela a provoqué une révolution dans ma propre vie", explique-t-elle.

Celle qui a grandi dans un village proche d'Aix-en-Provence, confortablement puis très modestement après la séparation de ses parents, se retrouve à un colloque à Boston (Est des Etats-Unis) au côté d'icônes du féminisme comme l'Afro-Américaine Angela Davis ou débat avec des ministres.

Elle affûte ses arguments, prépare minutieusement ses interviews. L'arrivée de #Meetoo lui permet de se "sentir moins seule" et lui apporte la preuve que son combat est "nécessaire".

- "Énormément d'empathie" -

"Anaïs a permis d'aborder le féminisme de manière très concrète et décomplexée en se servant des réseaux sociaux", souligne la journaliste Margaïd Quioc, membre du Podcast "féministe et optimiste" Yesss lancé il y a un an avec Anaïs Bourdet entre autres.

Attaquée, notamment quand elle défend celles choisissant de porter le voile, Anaïs Bourdet s'insurge contre "l'infantilisation des femmes".

Inlassablement, la jeune femme à la longue chevelure blonde monte au créneau, mais finit par saturer face aux souffrances et aux violences qui ressortent des témoignages de harcèlement relayés sur son blog.

"Anaïs a énormément d'empathie, si elle voit une femme en détresse dans la rue, elle ne peut pas s'empêcher d'aller la réconforter", poursuit Margaid Quioc, "admirative" de la force dégagée par la graphiste qui a tenu à bout de bras ce blog.

"A un moment, on se prend pour Wonder Woman, on se dit qu'on va arriver à faire changer les choses et puis on se rend compte que non. Le recueil de témoignages ne suffit plus, aux politiques d'agir", exhorte Anaïs Bourdet.

Elle déplore "les effets de com'" de la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa. Verbaliser les harceleurs de rue n'est pas la solution pour elle. "Nous ne sommes pas des voitures mal garées", ironise-t-elle, "il faut miser sur l'éducation".

Elle s'insurge aussi contre la condamnation de Sandra Muller, initiatrice de #balancetonporc, qui selon elle signifie aux femmes qu'il vaut mieux se taire.

De cette expérience, Anaïs Bourdet a appris "le plus important, la sororité".

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