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Ariane 6, la chasse aux coûts pour rester dans la course à l'espace

Le hall immaculé semble vide tant les tâches sont automatisées. Dans l'usine Ariane 6 d'Arianegroup aux Mureaux, les premiers éléments de la future fusée européenne sont assemblés dans le souci constant d'une baisse des coûts pour rester dans la course à l'espace.

Le concurrent SpaceX du milliardaire américain Elon Musk, avec sa Falcon 9, peut s'appuyer sur les nombreux contrats gouvernementaux américains pour faire baisser ses prix sur le marché commercial. ArianeGroup, coentreprise entre Airbus et Safran, dépend beaucoup plus du marché commercial et est donc condamnée à s'adapter.

Sa réponse, Ariane 6, dont le développement a coûté trois milliards d'euros, doit voler au second semestre 2020. "C'est une série qu'on développe deux fois plus vite et deux fois moins cher qu'Ariane 5", résume Franck Huiban, responsable des programmes de lanceurs civils chez Arianegroup.

Pour y parvenir, il a fallu revoir l'organisation industrielle. A l'usine des Mureaux, en région parisienne, sont assemblés les réservoirs de carburant et le moteur Vulcain 2.1 qui constituent l'étage principal de la fusée.

Assemblés à l'horizontale, ils entrent d'un côté du bâtiment, transportés par des robots roulant le long de lignes blanches et bleues vers les différents postes. Ils ressortent de l'autre pour être embarqués sur des barges sur la Seine située à proximité. Avant de partir pour la base de lancement de Kourou, en Guyane française.

"L'intégration" ou assemblage de l'étage principal d'Ariane 5, dont 8 exemplaires restent à construire, se fait elle à la verticale, explique Guillaume Collange, chargé de l'amélioration industrielle. Moins pratique et plus coûteux. Au total, il faut 20 mois pour fabriquer et assembler un étage supérieur d'Ariane 5, contre "un an pour Ariane 6 et on vise 9 mois".

Tout a été rationalisé pour Ariane 6, "conçue en maquette numérique dès le départ", du nombre de références de vis "divisé par dix" à la répartition géographique des tâches avec la réalisation des structures métalliques en Allemagne, les composites en Espagne, ajoute-t-il.

- Aller plus loin -

"On a pris en compte l'industrialisation dès le développement, on ne fait que répliquer les bonnes pratiques de l'industrie automobile et aéronautique", récapitule Franck Huiban.

L'amélioration de la compétitivité passe aussi par l'augmentation des cadences -Ariane 6 est dimensionnée pour 11-12 lancements par an- et les avancées technologiques.

Sur la tuyère du moteur Vulcain d'Ariane 5, qui permet l'évacuation des gaz, sont soudés un à un des centaines de petits tubes dans lesquels circulent un gaz de refroidissement. Pour la tuyère du Vulcain 2.1 d'Ariane 6, deux plaques préformées sont simplement soudées l'une à l'autre, détaille Philippe Girard, responsable des moteurs des étages principaux et supérieurs produits sur le site d'Arianegroup à Vernon, en Normandie.

Le générateur de gaz du moteur, fait de 200 pièces réalisées en 18 mois, n'est plus qu'une pièce réalisée en trois fois moins de temps grâce à l'impression en trois dimensions, un "outil extraordinaire".

Résultat, le Vulcain 2.1 a le "même niveau de qualité et de performance pour un coût inférieur de 40% et un temps de montage réduit de moitié", s'enorgueillit-il.

Mais il faudra aller plus loin. La Cour des comptes française pointait en février le "risque important que le lanceur ne soit pas durablement compétitif face à SpaceX, qui continue de progresser".

Franck Huiban le concède. Les économies d'Ariane 6 "nous donnent juste le droit de survivre et de gagner le droit de recommencer à gagner 50%".

ArianeGroup prépare donc les prochaines étapes, dont elle espère voir le financement validé lors de la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA) fin novembre à Séville.

Tout d'abord, le démonstrateur Themis, destiné à démontrer la faisabilité d'un concept de premier étage réutilisable. Mais aussi le moteur Prometheus, sur lequel planche déjà une équipe en mode start-up sur le site de Vernon.

Avec ce moteur, "potentiellement réutilisable" selon les besoins du marché et réalisé à 70% en impression 3D, "on cherche à réduire le coût par 10 par rapport à Vulcain", s'enthousiasme Emmanuel Edeline, responsable du programme. Le temps de production du moteur passerait de 18 mois à 6 semaines.

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