Accueil Actu

Des geeks et des magistrats pour une moisson d'idées sur les travaux d'intérêt général

Des bonbons sur les tables et l'enthousiasme des défricheurs: la ministre de la Justice a étrenné jeudi des ateliers regroupant informaticiens et professionnels du monde judiciaire pour valoriser les travaux d'intérêt général, une alternative à l'incarcération.

L'objectif, à terme, est de doter la future Agence des travaux d'intérêt général (TIG), voulue par le président Emmanuel Macron, d'une plateforme performante, "mettant en relation la demande et l'offre", explique David Layani, le président de Onepoint, la start-up spécialiste de la transformation numérique qui accueille ces ateliers sur trois jours.

Lancé en 1984, le TIG est une peine alternative à l'incarcération qui consiste en un travail non rémunéré au sein d'une association, d'une collectivité ou d'un établissement publics (commune, hôpital...), pour une durée maximale de 280 heures pour une peine correctionnelle. Il s'adresse à tout justiciable, passible de contravention ou de délits, à partir de 16 ans.

"Cela fait trop longtemps que le TIG existe sans décoller. Seules 7% des condamnations à une peine de prison (sur quelque 550 000 condamnations pour des délits en 2016) correspondent à du TIG", relève le député LREM Didier Paris, chargé avec le président de Onepoint d'une mission de réflexion pour la création de l'Agence des TIG.

"Le TIG, explique-t-il, c'est d'abord une sanction, une mesure de protection de la société, mais aussi la possibilité de s'amender pour une personne. Ce doit être pour un jeune un électrochoc pour aller mieux, sortir de la délinquance et repartir".

Pour tenter de "lever les obstacles", Onepoint a lancé le défi "Numérique et TIG", des ateliers regroupant informaticiens, magistrats, avocats, entrepreneurs, agents de probation et d'insertion, fonctionnaires et politiques. Un juriste est assis à côté de l'ancienne ministre du Travail Myriam El Khomri, une juge à côté d'un associatif.

- "Réparer et se réparer" -

Ils sont réunis autour de vastes tables, chargés de réfléchir à "comment adapter l'offre du TIG?" ou "comment faciliter l'offre du TIG" avant de penser le fonctionnement de la plateforme numérique. Un médiateur se charge de noter les "obstacles" sur un papier rose et les "solutions" sur un papier jaune.

La garde des Sceaux Nicole Belloubet insiste: "On a besoin de ces regards croisés, de ces expériences. Il nous faut convaincre les magistrats de prononcer cette peine, qui permet vraiment la réinsertion des jeunes, et s'assurer qu'elle sera vraiment exécutée dans des délais courts".

Pour Cécile Dangles, présidente de l'Association nationale des juges d'application des peines (Anjap), "le plus difficile pour un magistrat, c'est d'avoir un partenaire qui accueille des TIG".

Le travail d'intérêt général "peut être formidable. Les gens réparent et se réparent. Mais entre le jour où je prononce la conversion d'une peine et le jour où on trouve une place de TIG, il peut s'écouler plusieurs mois", explique-t-elle.

Les TIG sont d'autant plus utiles que les prisons sont surpeuplées mais, sur le terrain, il faut lever les réticences.

Sébastien Pochon, cadre chez Enedis, qui gère le réseau public d'électricité en France, est venu parler de son expérience d'accueil des TIG, dans le cadre d'un partenariat avec le ministère de la Justice en 2016. "On a accueilli quelques jeunes, qui nettoient les tags sur nos transformateurs. Puis certains sont repeints par des artistes. Ca marche bien, notamment dans le Val-de-Marne, mais il y a des résistances internes".

Pour lever les obstacles, il faut "écouter, expliquer" et "tout faire pour écarter les jeunes du milieu carcéral, parce que quand ils sortent, ils savent où trouver une arme", affirme David Layani.

Vendredi et samedi, une centaine de participants devront proposer des solutions numériques pour faciliter la mise en oeuvre des projets retenus.

L'un des premiers objectifs de la start-up est de "connecter l'ensemble des acteurs de la chaîne pour rendre le dispositif simple et efficace". Les conclusions de la mission de réflexion seront rendues d'ici la fin janvier.

À lire aussi

Sélectionné pour vous