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L'arme anti-fraudeurs des CAF traque aussi les "oubliés" des prestations

Le datamining ou fouille de données, arme informatique clef contre la fraude sociale, peut aussi traquer ceux qui "oublient" de réclamer des prestations: parfois jusqu'à 700 euros par mois.

C'est ce qu'a montré une expérience pilote à la Caisse d'allocations familiales de Gironde, qui sera étendue en 2018 à d'autres CAF, et en 2019 à tout le pays.

Quand la CAF de Gironde a téléphoné début 2017 à Sophie Foucher, chez elle à Hourtin, cette divorcée de 39 ans mère d'enfants de 4, 6 et 9 ans pensait "que la Caisse allait éventuellement me réclamer des sous, un trop perçu comme ce peut être le cas pour pas mal d'allocataires..."

Mais là, non. "Ils m'ont expliqué leur démarche d'aide, on a fait le point sur mon dossier, et vu que je suis en fin de droits chômage, bientôt au RSA... je ne refuse pas d'aide, quoi". Depuis un an, Sophie perçoit donc en plus d'une aide au logement et des allocations familiales une allocation de soutien familial (ASF) de 75,23 euros par mois à laquelle elle ignorait avoir droit. Et 75 euros dans sa situation, "c'est pas négligeable".

Au premier trimestre 2017, la CAF-Gironde, déjà en pointe sur le datamining, l'a testé pour calculer la "probabilité" de non-accès aux prestations sur un échantillon de 1.200 alllocataires (sur ses 316.000), avant de les solliciter. Et s'est vite convaincue que le phénomène était assez important pour être modélisé.

L'outil statistique, appuyé par le démarchage, a établi que 12% n'avaient pas ouvert de droits. La CAF a convaincu 27% d'entre eux (soit une quarantaine) de le faire. Avec, par foyer, un gain de 210 euros en moyenne par mois... voire jusqu'à 787 euros dans le cas d'un foyer monoparental avec 4 enfants, qui ne réclamait ni RSA ni ASF...

Qu'est-ce qui retient ces non-accédants ? Pour la plupart, la méconnaissance de l'existence de telle ou telle prestation --"on en a plus de 30..."--, ou du fait qu'ils y sont éligibles, explique le directeur de la CAF Gironde, Christophe Demilly.

Et puis il y a les "conscients": ceux qui savent, mais ne veulent pas. Soit parce qu'ils craignent que cela soit source de problème vis-à-vis d'un ex-conjoint, soit par refus de se sentir ou d'être perçus comme "assistés". Voire par réticence face à des démarches, pour un gain parfois minime.

- Le non-accès, bien pire que la fraude -

En partie par volonté politique, "l'affichage" de l'action de la CAF a surtout porté pendant quelques années sur la lutte contre la fraude. "Certes, cette lutte est importante et on la revendique: il faut que les gens aient confiance dans l'Etat social", convient M. Demilly, dont la CAF avait été visitée fin 2011 par un président Nicolas Sarkozy en mode pré-campagne 2012, avec un discours très offensif ce jour-là contre la fraude sociale.

"Mais à un moment, on ne parlait plus que de ça, alors que la fraude ne représente qu'1% des allocataires", insiste le directeur.

"Le non-recours aux prestations est un phénomène cinq fois plus important que la fraude. Au bas mot", appuie Olivier Noblecourt, nouveau Délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Il est venu récemment à Bordeaux entendre l'expérience de la CAF-Gironde, "instructive à la fois sur les causes du non-recours aux prestations, qu'elle confirme, et sur les moyens d'y remédier".

"Elle montre qu'en plus du repérage par l'algorithme et le traitement de données, la capacité à +aller vers+, téléphoner, solliciter, donne de bons résultats quand on fait l'effort", plaide auprès de l'AFP le "Mr Pauvreté" du gouvernement.

En 2018, l'expérience girondine va être étendue à six CAF sur un échantillon beaucoup plus large, en vue d'un modèle national qui devrait être déployé en 2019. Avec pour ambition, sur trois ans, d'avoir remis à zéro le stock de ces "oubliés".

pbl/pjl/cam/ggy

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