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La vie privée des internautes, nouveau marché de l'économie numérique

Le nombre croissant d'internautes soucieux de protéger leur vie privée et leurs données personnelles est devenu un marché incontournable, selon les lanceurs d'alerte, pionniers de l'économie numérique et jeunes entrepreneurs rassemblés au Web Summit.

"Indéniablement, nous assistons à un mouvement qui pousse les gens à vouloir reconquérir leur droit à la vie privée", déclare à l'AFP l'Irlandais Paddy Cosgrave, organisateur de cet important salon des startup et des nouvelles technologies qui se tient cette semaine à Lisbonne.

Et en conséquence, "l'offre de chiffrement individuel de chaque appareil, pour rendre tout message pianoté illisible par un tiers, est en expansion", cite-t-il en exemple.

"Il y a tout un nouveau secteur d'activité autour de l'identité numérique, la gestion des données et leur monétisation par chacun d'entre nous", affirme pour sa part l'Américaine Brittany Kaiser.

"Les gens se sentent vraiment inquiets", insiste l'ancienne responsable repentie de la société Cambridge Analytica qui, au printemps 2018, s'est retrouvée au cœur du scandale d'utilisation de données Facebook, dans le but présumé de faire gagner le Brexit au Royaume-Uni et Donald Trump à la présidentielle américaine en 2016.

Elle a depuis créé la fondation "Own your data" ("Possédez vos données") et ne cesse de dénoncer les abus d'un secteur qui fait des bénéfices de l'exploitation des données personnelles des internautes à leur insu.

- "Sphère protectrice" -

Lors d'une des conférences à laquelle elle participait, parmi la trentaine consacrée à cette thématique, le public semble sensible à ses arguments. A la question "les réseaux sociaux ont-ils détruit notre vie privée?", trois quarts des participants ont répondu oui.

Brittany Kaiser admet toutefois qu'il sera "difficile" de faire que les produits et les services répondant à cette nouvelle inquiétude atteignent le seuil d'une "adoption de masse".

Mais "les minorités peuvent transformer les marchés", argumente Brendan Eich, chantre d'une "confidentialité par défaut".

Créateur d'un des langages de programmation les plus utilisés, il est venu à Lisbonne vanter les mérites de Brave, un navigateur internet censé permettre aux internautes de se protéger contre la collecte de leurs données personnelles et la publicité non désirée.

"La prise de conscience prend de l'ampleur et ne disparaîtra plus", affirme à l'AFP ce co-fondateur de Mozilla, organisation à but non lucratif à l'origine du navigateur indépendant Firefox.

Présenté comme l'inventeur de la première monnaie virtuelle, David Chaum estime lui aussi que l'économie numérique traverse "un moment historique". Selon lui, "il est très difficile de régler tous les problèmes de confidentialité mais il est nécessaire et suffisant de créer une sphère protectrice pour chaque personne".

Avec son projet Elixxir, il planche sur une application de messagerie mobile couplée à un système de paiement virtuel de type WeChat, plateforme phare du géant chinois Tencent, mais qui serait inaccessible aux gouvernements.

- "Exigence de base" -

Dans le sillage de ces pionniers déçus par l'évolution de l'économie numérique, le Britannique James Chance vient à 30 ans de quitter Google pour lancer sa startup yourself.online, qui propose aux internautes de retrouver des données personnelles restées publiques sans leur consentement.

"Le plus choquant, c'est l'échelle du problème, dit-il à l'AFP devant son petit stand au Web Summit. Nous trouvons des données personnelles pour 80% des personnes qui nous sollicitent. Cela peut-être un numéro de téléphone, une adresse mail ou une date de naissance."

"Certaines entreprises recueillent les traces que nous laissons sur le web et les utilisent pour déterminer si quelqu'un peut obtenir un emploi ou un emprunt", affirme-t-il.

Vilipendé partout dans le monde pour ne pas assez sécuriser ses données, Facebook a promis récemment de chiffrer les conversations de sa plateforme de messagerie instantanée Messenger de bout en bout, comme l'est déjà son autre application WhatsApp.

La protection de la vie privée est devenue "une exigence de base des usagers", reconnaît Jay Sullivan, embauché l'été dernier par Facebook pour travailler chez Messenger en tant que directeur de la confidentialité et de l'intégrité.

L'époque où son nouveau patron Mark Zuckerberg pouvait affirmer crânement que la volonté de sauvegarder sa vie privée ne faisait plus partie de la "norme sociale" semble révolue. C'était il y a presque dix ans.

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