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Si les sanctions américaines disparaissent, Huawei va-t-il réinstaller Google sur ses smartphones ?

Les temps sont durs pour la grande entreprise chinoise Huawei, active dans les télécoms (ses équipements 5G sont "bannis" un peu partout en Europe) et sur le marché des smartphones (privés de Google, ils sont devenus difficilement recommandables). J'ai assisté à une conférence en marge du lancement du Mate 40 Pro (photo), et posé quelques questions au patron belge pour tenter de savoir s'il y a une éclaircie au bout du tunnel.

Vous n'ignorez pas que le géant chinois Huawei traverse une période très délicate depuis la guerre politico-commerciale lancée par les Etats-Unis en 2019, et visant les entreprises chinoises un peu trop présentes au niveau des télécommunications. J'ai résumé le problème dans cet article évoquant l'excellent P40 Pro.

En deux mots: les récents smartphones de Huawei, pourtant devenu N.1 mondial durant quelques mois cette année, sont devenus très difficiles à conseiller à cause de leur système d'exploitation. Privé des applications, du magasin d'applications et des nombreux 'services' de Google, les Mate 30, P40 et Mate 40 (pour ne citer que les fleurons de la gamme) proposent des alternatives 'made by Huawei'.

Pour les applications, Huawei y arrivera…

Ces alternatives, il faut les voir d'un bon œil. Certes, on rêverait d'une vraie initiative européenne qui viendrait contrebalancer l'importance des Etats-Unis (logiciel) et de la Chine (matériel) sur le marché crucial du smartphone ; il n'empêche, l'arrivée d'un concurrent à Google et Apple doit être saluée.

Car c'est bien sur cet énorme projet d'écosystème logiciel et matériel que travaille Huawei sans relâche depuis des années, et avec encore plus de pression depuis les sanctions américaines qui finalement, sachez-le, n'ont fait qu'accélérer le développement des Huawei Mobiles Services et de la panoplie d'applications et des services 'maison', c'est-à-dire en dehors de ce que propose Google depuis une grosse dizaine d'années.

La décennie 2010, justement, c'est le temps qu'il a fallu au géant américain pour passer du moteur de recherche Google à cette usine en perpétuelle évolution, sortant des 'services web', des 'logiciels' ou des 'applications' à un rythme effréné. Sans réelle concurrence, Google est parvenu à s'imposer dans nos vies, notamment à travers Gmail, YouTube et Google Maps.

Pour proposer une alternative viable à Google, Huawei a mis des centaines de millions de dollars pour motiver les développeurs à proposer une version de leurs applications compatibles avec les Huawei Mobiles Services. Et mois après mois, depuis plus d'un an, il parvient à convaincre une bonne partie d'entre eux. Le patron belge de Huawei Allen Yao m'a expliqué lors d'une récente conférence de presse qu'au printemps 2021, "90% des applications principales devraient être disponibles sur l'AppGallery (le nom du magasin d'applis de Huawei)", et que vers la fin de l'année 2021, "ce sera sans doute toutes les applications importantes, y compris bancaires".

… mais il y a encore un tas d'autres choses à faire

Ce n'est pas encore le cas (banque, domotique, divertissement, etc), mais si dans quelques mois on trouve toutes les applications dont on a besoin, nativement dans l'AppGallery (donc sans devoir passer par les moyens alternatifs et souvent laborieux proposés actuellement par Huawei), une belle étape sera franchie par le géant chinois dans son opération "indépendance et autonomie".

Mais ce serait oublié ce que j'ai dit sur Google, qui depuis 10 ans, à coups d'essais et parfois d'erreurs, tel un couteau suisse en constante évolution, a fini par atteindre la quasi-majorité de nos comportements numériques. Et il ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Pensez au Google Assistant, un assistant vocal de plus en plus intelligent qui n'a pas de concurrence en Belgique (Alexa d'Amazon boudant notre pays). A Android Auto, qui permet à n'importe quelle voiture disposant d'un écran tactile d'en faire une tablette Google connectée, avec vos applications, dès que vous y reliez votre smartphone. Ou encore à l'outil de recherche Google qui est devenu également un répertoire de lieux publics, une cartographie précise avec navigation (sans oublier Street View qui permet de déambuler dans une grande partie des routes du monde occidental). La liste est longue.

Pour atteindre un tel niveau de services offerts par Google (contre de la publicité ciblée, restons clairvoyants), Huawei a encore énormément de travail. Je ne pense pas qu'en 2021 il sera à la hauteur, même s'il a déjà son moteur de recherche et sa cartographie (Petal et Petal Maps qui est basée sur les données de Tomtom).

Car il ne suffit pas d'avoir des armées d'ingénieurs (je suis sûr que Huawei n'en manque pas) développant des logiciels: il faut nouer des partenariats locaux, s'adapter à chaque langue, chaque pays, chaque région ; il faut des idées assez innovantes pour ne pas simplement copier Google, mais assez performantes pour nous faire accepter de changer d'écosystème.

Bref, la route est longue. D'autant plus longue que l'an prochain, Huawei va lancer Harmony OS, son propre système d'exploitation déjà utilisé sur certains appareils, mais pour ses smartphones. Une autre histoire dont je vous parlerai en temps voulu.

Et si les Etats-Unis font marche arrière ?

Car la vraie actualité, c'est l'avenir proche de Huawei, et sa capacité à vendre des smartphones aussi facilement qu'avant en Europe et dans d'autres régions du monde (pas les Etats-Unis, où il n'a jamais osé s'aventurer).

Un avenir proche qui pourrait changer depuis l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. Impossible de savoir s'il va supprimer la 'liste noire' des entreprises chinoises avec lesquelles les Américains ne peuvent plus travailler sans autorisation (Donald Trump n'était pas le seul à se méfier de la puissance chinoise). Mais si c'était le cas ? Si, du jour au lendemain, Google pouvait à nouveau collaborer avec Huawei et lui permettre d'utiliser, comme au début de l'année 2019, toutes ses applications et services ? Que ferait le géant chinois ?

"On continuera d'avance dans le développement de notre écosystème", a dit le patron belge, sûr de son coup et de la capacité de Huawei à développer rapidement une alternative valable à Google.

Cependant, il a laissé une porte ouverte. "Sur nos smartphones actuels, et on l'a déjà fait, on peut s'adapter et faire fonctionner deux versions des services mobiles: ceux de Huawei et ceux de Google". Sous-entendu: en cas d'annulation des sanctions, on peut imaginer une grosse mise-à-jour des Huawei P40 et Mate 40 sortis cette année. D'excellents smartphones (le Mate 40 Pro que j'ai pu brièvement prendre en main est un sacré bijou de technologies) qui sont quasiment invendables à l'heure actuelle, à moins de trouver une clientèle allergique à Google et à son magasin d'applications…

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