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Un plan pour lutter contre la prostitution des mineurs, "en pleine expansion"

Formation des professionnels en contact avec les enfants, pression sur les plateformes de location d'appartements, cyber-enquêteurs: le gouvernement a présenté lundi le premier plan national de lutte contre la prostitution des mineurs, pour "ouvrir les yeux" sur un phénomène "préoccupant" et "en pleine expansion".

"La première vertu de ce premier plan national de lutte contre la prostitution des mineurs, est que nous prenions tous collectivement conscience de ce phénomène, qui concerne entre 7.000 et 10.000 enfants, mais est en progression constante, a déclaré le secrétaire d'Etat à l'Enfance, Adrien Taquet, lors d'une conférence de presse.

"La moitié d'entre eux - des filles en majorité, mais aussi des garçons - entrent en prostitution à 14 ans. Cela concerne tous les milieux sociaux", a-t-il précisé.

Doté de 14 millions d'euros, ce plan interministériel (Enfance, Intérieur, Justice, Education nationale, Numérique, Ville, Tourisme et Egalité femmes-hommes) sera déployé sur neuf mois en 2021 et 2022.

Le premier volet consistera à mieux connaître ce phénomène encore largement méconnu, grâce au financement de projets de recherche.

"Le secteur associatif évalue le nombre de mineurs prostitués dans une fourchette entre 7.000 et 10.000, mais cela reste approximatif et peut-être en-deçà de la réalité", indiquait le rapport remis au gouvernement en juillet par la magistrate Catherine Champrenault, dont les travaux ont inspiré les mesures du plan.

Pour accompagner les familles démunies face à leur enfant, le gouvernement va mettre en place "une plateforme d'écoute unique" et entend "mailler le territoire d'associations spécialisées".

Il s'agira ensuite de "sensibiliser les enfants eux-mêmes à l'école et former l'ensemble des professionnels en contact avec eux, communauté éducative, travailleurs sociaux, forces de police et gendarmerie", a expliqué M. Taquet.

Il s'agit de mieux repérer les "signaux faibles" qu'un jeune est en train de basculer dans la prostitution: changement de comportement, décrochage scolaire, isolement ou fugue.

"Je me suis confrontée à l'incompréhension des gendarmes. Si elle y allait, c'est qu'elle était consentante, ils ne comprenaient pas le phénomène d'emprise. Ils pensaient qu'elle faisait ses passes volontairement", a témoigné lors de la conférence de presse Jennifer Pailhé, maman d’une jeune fille qui s'est prostituée.

- Cyberproxénétisme -

Alors qu'internet est de plus en plus le lieu de recrutement pour la prostitution et le moyen d'organiser les rendez-vous, les travailleurs sociaux auront des moyens renforcés pour effectuer des "maraudes numériques": aller "sur les réseaux sociaux pour repérer les victimes qui publient des annonces afin de nouer un premier contact", selon M. Taquet.

Le gouvernement veut aussi mettre la pression sur les plateformes de location d'appartements, où se déroulent de plus en plus les rencontres.

Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a indiqué qu'il porterait devant le Conseil européen, pendant la présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022, "des mesures pour imposer aux plateformes d'hébergement locatives une obligation de répondre dans les enquêtes concernant la traite ou le proxénétisme de mineurs".

"Les plateformes locatives comme Airbnb doivent alerter un client sur les risques que son appartement puisse donner lieu à un comportement prostitutionnel, et mettre à profit les algorithmes pour déceler les clients qui ont des comportements suspects", a ajouté M. Taquet.

Un "magistrat référent" sera désigné dans chaque tribunal. Du côté des forces de l'ordre, le gouvernement entend "renforcer les capacités d'enquêteurs sous pseudonymes" et développer les "enquêtes sur le cyberproxénétisme".

Père d'une jeune fille qui a témoigné lors de la conférence de presse, Thierry Delcroix a salué les annonces sur la formation des professionnels.

"Nous avions en face de nous des magistrats, policiers, éducateurs compétents, mais qui ne comprenaient pas le sujet de la prostitution. Il faut leur ouvrir les yeux", a-t-il estimé.

"Ce plan est une vraie avancée. C'est la première fois que j'ai le sentiment qu'il y a une volonté politique de lutter contre la prostitution des mineurs", a réagi Armelle Le Bigot-Macaux, présidente de l'association ACPE (Agir contre la prostitution des enfants).

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