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Avec la pandémie, les étudiants américains se sentent lésés

70.000 dollars l'année... pour des cours en ligne? Au temps du coronavirus, les étudiants, nombreux à s'endetter pour s'offrir une vie de campus à l'américaine, ont l'impression de perdre au change et exigent de leurs universités qu'elles rendent des comptes.

"Nous payons pour des prestations que les campus offrent et qui ne sont pas disponibles en ligne", dénonce Dhrumil Shah.

Pour son master en santé publique à Washington, le jeune homme a déboursé des dizaines de milliers de dollars, en contractant un emprunt.

A quelques jours de sa cérémonie virtuelle de remise de diplôme, sans robe noire ni chapeau carré à jeter dans le ciel, l'élève de l'université George Washington a signé une des nombreuses pétitions exigeant une forme de dédommagement de la part de l'établissement.

"Je pense que la qualité du service a diminué", regrette-t-il auprès de l'AFP.

Originaire de Chicago, il se plaint d'avoir perdu une certaine forme d'encadrement et sent un impact "considérable" sur sa productivité: "Cette situation pousse celui qui la vit à l'échec".

Comme Dhrumil, beaucoup d'étudiants regrettent d'avoir perdu l'expérience du campus américain, les parties de frisbee sur des pelouses ensoleillées, les expériences dans des labos high-tech, les soirées arrosées...

Molly Riddick a elle aussi apposé sa signature à un texte réclamant un geste de la part de son université, à New York. "NYU peut insister autant qu'elle veut, il n'est simplement pas possible de dispenser un enseignement complet des arts du spectacle via (le logiciel de visioconférence) Zoom", illustre-t-elle.

Certains Américains ont même poussé leur mécontentement jusque devant les tribunaux: dans une plainte consultée par l'AFP, Adelaide Dixon accuse l'université de Miami de lui décerner un diplôme qui "aura perdu de la valeur pour toujours".

Elle réclame plusieurs millions de dollars à son établissement au nom de la centaine d'étudiants qu'elle représente dans cette procédure. Pas moins de cinquante universités américaines ont été assignées en justice par leurs étudiants pour des motifs similaires.

- L'angoisse de la rentrée -

Les universités, rares à réagir publiquement à ce genre d'initiatives, assurent être dans une impasse, face à la propagation effrénée de la pandémie. Si certaines ont remboursé le gîte et le couvert à leurs élèves, aucune n'est allée jusqu'à restituer tous les frais avancés ce semestre.

Les problèmes pourraient s'enchaîner pour ces institutions, car l'inconnue de la rentrée pèse encore: 20 millions d'étudiants pourront-ils retrouver les bancs de leur faculté au mois d'août? Au sein du milieu universitaire, la question fait encore débat.

"J'espère pouvoir revenir", confie Ashwath Narayanan, 19 ans. "Mais je me prépare mentalement à rester". Son université à Washington s'est engagée à lui donner plus de visibilité d'ici dix jours.

Difficile pourtant d'imaginer des campus, souvent de la taille de petites villes, reprendre leur activité comme si de rien n'était. "Les dortoirs et cafétérias devront être traités comme les supermarchés le sont maintenant", avec leur lot de désinfectant et de distanciation sociale, imagine Dhrumil Shah.

"Nous partons du principe qu'à l'automne, nous serons encore en ligne", a d'ores et déjà tranché la doyenne de l'université California State à Fullerton, Pamella Oliver.

Pour de nombreux établissement, proposer des cours uniquement virtuels, c'est s'exposer à une pression encore plus forte des étudiants et des familles.

Avec une économie mise à terre par le coronavirus, ils "gagneront moins et auront moins d'argent à consacrer à l'enseignement supérieur", estime Ted Mitchell, président du Conseil américain de l’éducation.

Dans une lettre adressée au Congrès, il table sur une diminution de 15% des inscriptions pour la rentrée prochaine, et chiffre à 23 milliards de dollars le manque à gagner pour les universités.

L'enjeu est de taille. Si les plus prestigieux établissements, Harvard, Yale, Stanford et Princeton en tête, disposent d'importantes réserves, de nombreux autres, pour qui la survie dépend de ces rentrées d'argent, pourraient simplement déposer le bilan.

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