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La solitude des patients dans les hôpitaux: Anne-France dénonce la "souffrance" de sa maman, au bord du désespoir

Deux Wallonnes témoignent du sentiment d'isolement de patients hospitalisés depuis un certain temps et qui se sentent coupés de leurs proches. Les visites dans les hôpitaux sont en effet limitées, voire suspendues, en raison de la pandémie. Une situation qui semble nuire fortement au bien-être mental des patients.

Lors de la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19, les hôpitaux ont pris de nouvelles mesures pour limiter la circulation du virus et protéger aussi bien les patients que le personnel médical. Depuis fin octobre, les visites aux patients hospitalisés sont fortement restreintes voire interdites.

Ce qu’il traverse est un châtiment pire que la mort

Cette situation est difficile à vivre pour certains malades et leurs proches. "Je suis très en colère", confiait Maddalena début janvier via notre bouton orange Alertez-nous. "Il faut penser aux personnes dans des situations graves en milieu hospitalier. Je le vis personnellement avec un proche. Ce qu’il traverse est un châtiment pire que la mort", estime cette ancienne infirmière.

Paralysé après un coma de plusieurs semaines 

La Liégeoise nous raconte alors l’histoire dramatique de Christian, un ami dont elle est très proche. Fin septembre, cet homme de 49 ans aurait été transporté à l’hôpital suite à une agression à Chaudfontaine. "Il a été hospitalisé pendant 24h aux soins intensifs au CHU de Liège avant d’être transféré dans un service banalisé", assure Maddalena. Visiblement, un accident s’est ensuite produit. "Je ne connais pas exactement les circonstances. Selon son voisin de chambre, il était assis sur son lit, il a voulu se lever, a perdu l’équilibre et a tapé sa tête à l’endroit où il était déjà blessé, avant de s’écrouler", relaie son amie.

D’après elle, Christian est opéré d’urgence et son pronostic vital est engagé. "Après l’opération, il est resté dans le coma pendant environ trois semaines aux soins intensifs. C’était compliqué de le voir. Et comme les cas de Covid ont commencé à fortement augmenté, on l’a changé de service", se souvient Maddalena. Alors que son état de santé est inquiétant, il finit par se "réveiller".

Une seule personne peut venir le voir une heure par semaine

Mais ce réveil est douloureux car les séquelles sont importantes. "Il est presque complètement paralysé. Il passe quasiment 24h/24 dans son lit. Sa seule distraction, c’est la télévision. Il n’a plus rien bu ni mangé depuis le début de son hospitalisation. Il est nourri avec une sonde. Il n’a donc même plu le plaisir de bouche", explique son amie. Le moral de Christian est sombre. Et le quadragénaire ne peut profiter du soutien de ses proches que de façon très limitée.

"Une seule personne peut venir le voir une heure par semaine. Pour ses deux enfants, c’est compliqué. Le personnel essaie de faire preuve d’humanité mais il doit respecter les règles en vigueur", souligne avec compréhension l’ancienne infirmière.

Des visites restreintes au CHU de Liège 

En raison de la pandémie de coronavirus, les visites au CHU de Liège sont restreintes. Depuis fin octobre, les visites ne sont pas autorisées les weekends pour tous les patients. La semaine, des visites sont possibles sur rendez-vous. "Le patient peut recevoir tous les 7 jours la visite d’une personne, toujours la même, qu’il désigne au préalable. Il faut prendre rendez-vous et la durée est limitée à une heure. Cette règle vaut pour tous les patients sauf aux soins intensifs, pédiatrie, néonatologie, maternité et les accompagnements de fin de vie qui font l’objet de dérogations", indique Geneviève Christiaens, médecin chef adjoint à l’hôpital liégeois.

 Il a levé les yeux et des larmes ont coulé sur ses joues

Ce qui est visiblement trop peu selon Maddalena. D’autant plus que sa paralysie l’empêche d’avoir des contacts par téléphone. "Christian a besoin d’être épaulé pour ne pas sombrer. Depuis quelques semaines, il arrive à s’exprimer un peu. Récemment, il m’a confié qu’il ressentait une grosse solitude, qu’il voulait partir. Il a levé les yeux et des larmes ont coulé sur ses joues", confie son amie.

Je suis en colère de voir les dégâts collatéraux du Covid

Gagnée par l’émotion, la tristesse et la frustration, Maddalena ressent une colère monter en elle: "A Noël, il s’est cru abandonné car il n’a vu quasiment personne, en raison du manque de personnel. C’est vraiment difficile à vivre, même les animaux sont mieux traités. C’est pour cela que je suis entrée dans une rage folle, je suis en colère de voir les dégâts collatéraux du Covid".

La Liégeoise souhaite dès lors attirer l’attention sur ces situations éprouvantes. "Les personnes qui sont en bonne santé et qui peuvent sortir, même si les conditions ne sont pas faciles en raison des mesures sanitaires, c’est le paradis par rapport à la situation des personnes hospitalisées qui souffrent", fait-elle remarquer.

Anne-France ne peut pas voir sa maman 

Anne-France témoigne également de la douleur ressentie par sa mère. Chantal, 60 ans, est hospitalisée depuis mi-novembre pour "une infection respiratoire" au CHU Tivoli à la Louvière, dans le Hainaut. "On ne parle pas assez de ces patients isolés, coupés de leurs proches", estime cette jeune femme de 33 ans via le bouton orange Alertez-nous.

D’après elle, sa maman souffre d’une maladie des poumons. Peu de temps après son admission à l’hôpital, un nouveau test PCR révèle qu’elle est positive au Covid-19. "A ce moment-là, je l’ai eu en pleurs au téléphone. Elle a eu très peur. Vu sa maladie, c’est un miracle qu’elle soit toujours en vie", souligne Anne-France qui a une fillette de 8 ans. La sexagénaire est ensuite transférée en centre de revalidation.

"Depuis le début, nous n’avons pas pu la voir. Les patients n’ont droit à aucune visite. Même pendant les fêtes, nous n’avons pas pu lui rendre visite", regrette la trentenaire début janvier.

Je l’appelle trois fois par jour, elle a vraiment besoin de contacts car elle souffre moralement

A ce moment-là, les visites sont effectivement interdites au CHU Tivoli. "C’est très difficile pour ma sœur et moi car nous sommes très proches de notre maman. Elle habite seule dans une maison à Chapelle-lez-Herlaimont. Nous n’avons plus de papa. C’est donc notre pilier", confie la caissière sur autoroute. Heureusement, Chantal possède un GSM qui lui permet de communiquer virtuellement avec ses proches. "Je l’appelle trois fois par jour. Elle a vraiment besoin de contacts car elle souffre énormément au niveau psychologique", confie Anne-France.

Une grande banderole déployée sous fenêtre pour la Noël

Pour lui remonter le moral lors des fêtes de fin d’année, elle réalise une grande banderole avec sa sœur et leurs enfants. "On l’a déployée sur le parking des urgences, juste devant sa fenêtre pour qu’elle puisse lire notre message: "Joyeux Noël, on pense à toi"", raconte la trentenaire. "Et visiblement, elle doit être encore hospitalisée minimum jusque fin janvier", craint Anne-France. 

Bonne nouvelle: des modalités de visite élargies au CHU Tivoli 

Heureusement pour elle et sa famille, la situation évolue positivement quelques jours après son témoignage. Depuis le 16 janvier, les modalités de visite sont élargies au CHU Tivoli pour les patients hospitalisés depuis 5 jours ou plus. Une personne par patient, toujours la même, est autorisée pour une durée d’une heure maximum le samedi et le dimanche entre 15h et 17h. Des conditions sanitaires strictes doivent être respectées. Des mesures spéciales sont d’application pour les services de soins intensifs, pédiatrie, néonatologie et maternité. Les visites aux patients Covid-19 restent évidemment interdites.

Et les autres hôpitaux ? 

Mais tous les hôpitaux n’assouplissent pas leurs règles en la matière. Par exemple, le Chirec, qui regroupe plusieurs sites à Bruxelles et à Braine-l’Alleud, suspend toujours les visites sauf exceptions (maternité, néonatologie, pédiatrie et patients en fin de vie).

"Concernant les visites, le Chirec s'est aligné sur ce que fait la majorité des hôpitaux de la région. Le fait que le nombre de contaminations ne diminue pas et que le variant britannique augmente nous confortent dans l'idée de rester prudents et d'éviter les contaminations extérieures des patients et du personnel soignant", explique la direction générale qui dit mesurer la souffrance des patients. "Nous comprenons parfaitement les difficultés vécues par ces personnes durant cette période compliquée", ajoute-t-elle.

A Bruxelles, le CHU Saint-Pierre n’autorise pas non plus les visites sauf dans certains cas (soins palliatifs, conjoint maternité…). Par contre, l’hôpital permet les visites pour les longs séjours de plus d’une semaine. "C’est le cas en gériatrie et en revalidation. Les conditions : pas plus d’un visiteur à la fous, avec toutes les mesures de précaution et d’hygiène d’application", détaille Nathalie Scaar, chargée de communication.

La plupart du temps, les gens comprennent qu'il s'agit d'une mesure visant à protéger les patients

Elle assure ne pas avoir reçu beaucoup de plaintes à ce sujet: "Nous privilégions toujours le dialogue et la recherche de solutions. La plupart du temps, les gens comprennent qu'il s'agit d'une mesure visant à protéger les patients". Même constat dressé par le CHU de Liège qui ne recense actuellement qu’une seule plainte enregistrée.

Etant donné que les mesures ne sont pas les mêmes partout, mieux vaut donc vous renseigner au préalable pour connaître les conditions exactes des visites dans le site hospitalier où se trouve votre proche.

En tout cas, les hôpitaux contactés n’envisagent pas de changement avant les vacances de Carnaval. Certains rappellent aussi la possibilité de transmettre des colis pour favoriser les échanges entre les familles et les patients. "Un système de "collect point" a été mis en place afin de faciliter les échanges de colis avec les patients", souligne le CHU Saint-Pierre.

"J'ai fait des photos pour lui remonter le moral" 

Pour apporter un peu de légèreté dans un quotidien plutôt sombre, Maddalena continue elle de rendre visite à son ami. "Hier, j’ai fait des photos avec lui pour lui remonter le moral et le faire sourire. Avec mon petit caractère, j’y arrive", se réjouit la Liégeoise. "Je suis comme ça, je suis quelqu’un d’empathique. Pour moi, c’est très important de pouvoir se donner la main, de s’entraider".

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