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"Carnets de profs": du défi d'enseigner en temps de Covid-19

Depuis des années, de nombreux profs le disent: ils sont "en première ligne". En première ligne et parfois démunis, seuls dans leur salle de classe pour assurer leur mission. Quatre enseignants de collège public ont accepté de confier, chaque semaine, leur expérience de terrain à l'AFP.

Pour les deuxièmes "carnets de profs" livrés en plein reconfinement, ils racontent les difficultés à faire cours en temps de coronavirus.

- "L'impression de bricoler" -

Marie, 44 ans, professeure de français dont le prénom a été modifié, exerce depuis une dizaine d'années dans une grande ville d'Ille-et-Vilaine:

"Le protocole sanitaire renforcé consiste, chez nous, à laisser les élèves dans une classe attitrée pour toute une journée. Les enseignants se déplacent d'une classe à l'autre.

C'est une nouveauté et il y a beaucoup d'arrêts de maladies, d'enseignants qui ont beaucoup de mal à s'adapter. Ils ont l'impression de bricoler.

On s'adapte à chaque classe. Des salles sans matériel audio, sans projecteur... On arrive et on découvre.

Les élèves sentent qu'on n'est pas toujours prêts et en profitent. C'est plus compliqué de les mettre au travail, de les canaliser, ça demande beaucoup plus d'énergie, c'est ça qui est fatigant."

- "Sentiment d'abandon" -

Céline, 45 ans, enseigne l'histoire-géographie dans un collège classé REP+ d'une ville moyenne du Haut-Rhin:

"Il y a un côté stressant: le protocole de (Jean-Michel) Blanquer (le ministre de l'Education) a été mis en place +dans la mesure du possible+, mais dans mon établissement il n'y a pas grand chose de possible.

Il n'y a pas de distanciation physique, pas de demi-groupes, les salles ne sont pas plus nettoyées que d'habitude, il n'y a pas eu d'embauche de personnel supplémentaire pour faire le ménage.

Il y a des effets d'annonce et cela entraîne même un sentiment d'abandon, voire de mépris chez beaucoup de profs: notre santé n'est pas la préoccupation du ministère. Par exemple on réclame depuis le mois de juin des poubelles fermées pour jeter les masques notamment, nous ne les avons toujours pas.

On force plus aussi sur la voix avec les masques... On est épuisé."

- En grève -

Camille, 39 ans, enseigne depuis dix ans l'histoire-géographie dans un collège classé REP+ d'une petite ville des Yvelines:

"J'ai choisi de faire grève pour dénoncer le décalage entre les mesures sanitaires prises nationalement et celles dans lesquelles nous travaillons. J'ai le sentiment que ma santé, celle de mes élèves et de leurs familles ne sont pas prises en considération.

Depuis la rentrée, nous portons le masque, nous lavons les mains, aérons la classe et il y a un sens de circulation dans l'établissement. En dehors de ces mesures, rien n'a changé.

Pour des raisons de sécurité, mes fenêtres ne s'ouvrent que de 15 cm. Je dois les garder ouvertes en permanence et mes élèves sont obligés de garder leurs manteaux. Les jours où il fait trop froid, je suis obligée de les fermer. Qu'en sera-t-il en hiver?

Les élèves s'adaptent bien, classent même les gels hydroalcooliques par ordre de préférence! Je pense qu'ils sont surtout déstabilisés parce que les adultes ne savent pas et le disent. Je leur explique qu'il faut rester patient et accepter l'idée qu'on en saura plus dans quelques années."

- Des élèves "moins armés" pour l'avenir -

Philippe, 54 ans, enseigne l'histoire-géographie dans un village du Puy-de-Dôme:

"Ce n'est pas tellement le protocole sanitaire en lui-même qui crée une fatigue. Le problème est que cette situation, qui va durer, vient s'ajouter à tout le reste.

Etre enseignant est fatiguant car il faut être à 100% en présence des élèves. Les instances et les réunions ont eu tendance à se multiplier.

Le fait de courir après le temps alors qu'il faut passer du temps avec les élèves pour les comprendre et être compris d'eux. Le fait aussi d'entendre très souvent le terme de crise. Mon âge aussi peut jouer.

Parfois, j’en ai ras-le-bol mais cela ne dure pas.

Je pense à mes élèves de 3e dont je suis professeur principal: les rencontres avec les parents sont supprimées, tout se passant par téléphone ou par messagerie; le stage d'observation dans le monde professionnel doit avoir lieu la semaine du 30 novembre mais la situation sanitaire le remet en cause pour une partie de mes élèves qui se voient opposer des refus ou connaissent des annulations de stages.

Je trouve que mes élèves de 3e sont victimes de la situation car ils seront moins +armés+ que les précédentes générations pour leur orientation."

lg-bdx-clw-cca/pa/or

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