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"On tue nos enfants": la colère des habitants de Sainte-Pazanne face aux cancers pédiatriques

"On tue nos enfants!": après deux heures de réunion publique dans une salle comble de 400 personnes, un homme s'emporte. A Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique), la colère gronde après l'annonce de l'arrêt des recherches locales sur la série de cancers pédiatriques.

"Il est où l'accompagnement du gouvernement aujourd'hui dans la prévention Monsieur? Il est où? On tue nos enfants!", répète cet homme aux cheveux grisonnants après avoir écouté les autorités présenter les conclusions de recherches enclenchées en début d'année dans ce secteur rural près de Nantes.

"On a fait ce qu'on a pu", a estimé Nicolas Durand, directeur général adjoint de l'agence régionale de santé (ARS) Pays-de-la-Loire.

"On a mis des moyens considérables sur ces investigations, que ce soit l'enquête épidémiologique par Santé Publique France (SpF) ou les investigations environnementales", a-t-il insisté.

"Nous reconnaissons que nous n'avons pas répondu à la question principale, qui est: pourquoi?", conclut-il.

Cette question, Marie Thibaud a commencé à se la poser en 2016 dans les couloirs du CHU de Nantes où elle accompagnait son fils Alban qui a contracté un cancer peu de temps après son entrée à l'école maternelle.

Pourquoi autant d'enfants de Sainte-Pazanne et des communes alentours sont-ils tombés malades à quelques mois d'intervalle? Pourquoi dénombre-t-on plusieurs cas de cancers dans la même école?

Elle a sollicité les autorités et raconte qu'une première étude épidémiologique n'a pas permis d'identifier de cause commune à tous les cas de cancers. Puis Alban "est rentré en rémission et ce jour-là un de ses petits camarades a déclaré un cancer", se souvient-elle.

"Il m'a dit +maman, il faut qu'ils recommencent les recherches, ils vont pas tous tomber malades mes petits copains+."

- Entre 13 et 20 cas -

Elle a alors décidé de créer avec d'autres parents le collectif "Stop aux cancers de nos enfants". Ce collectif dénombre 20 cas de cancers pédiatriques depuis 2015, dont quatre décès.

L'ARS et SpF ont appliqué des critères légèrement différents par rapport à l'âge des enfants et au périmètre spatio-temporel. L'ARS retient ainsi 17 cas, dont 3 décès et SpF a étudié 13 cas, dont 3 décès.

A Sainte-Pazanne et dans six villages alentours, il a été dénombré environ deux fois plus de cancers pédiatriques que ce que l'on observe en moyenne en France, selon les conclusions de SpF présentées début novembre. Pour autant, aucune cause commune n'a été identifiée et il a donc été décidé de ne pas poursuivre les investigations localement.

C'est cette impasse qui a révolté de nombreuses personnes présentes à la réunion publique organisée lundi soir.

"Je sais qu'il y a des gens qui préfèrent ne pas savoir (...) Moi ma maison si elle a perdu 10.000 euros, j'en ai rien à faire, je veux juste que mon gamin, il ne chope pas un cancer et que je puisse le regarder dans les yeux", a s'est ému Johann Pailloux, père d'élèves scolarisés à Sainte-Pazanne, en annonçant en fin de soirée que le collectif poursuivrait les recherches avec l'aide d'une cagnotte.

- Ernest, Chloé, Maïwen -

Ernest, Chloé, Maïwen: la voix brisée ou brandissant une photo, plusieurs parents ont cité le prénom de leur enfant malade ou mort et raconté leur histoire par le biais des questions-réponses.

Des participants ont aussi invectivé les sept fonctionnaires présents sur l'estrade leur demandant d'affirmer qu'il n'existait pas de conflits d'intérêt entre leur travail et des industriels puissants.

Seraient-ils prêts à vivre à Sainte-Pazanne avec leurs enfants? Oui, ont-ils répondu, martelant pendant plus de trois heures qu'"il n'y a pas de danger" au vu des données.

Quittant la salle avec leur nouveau-né dans un landau, Violaine et Christophe n'étaient pourtant pas rassurés.

"Il y a bien une cause quelque part, mais là j'ai l'impression qu'on nous dit +on n'a rien trouvé, on arrête et on s'en va+. En gros, continuez à mourir.... Merci beaucoup, mais ce n'est pas suffisant", a soufflé le jeune père de famille.

Une prochaine réunion du comité de suivi est prévue en mars 2020.

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