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13-Novembre: déchirés, ébranlés, renforcés... les couples à l'épreuve des attentats

Frôler la mort à deux. Se relever après le décès de l'autre. Ne plus reconnaître son conjoint. Trois ans après les attentats du 13 novembre 2015, des victimes racontent "les mers très agitées" traversées par leurs couples.

Inséparables

Anne (prénom modifié) et son compagnon sont "d'heureux chanceux qui ont réussi à s'enfuir au bout de 20 minutes de chaos" du Bataclan.

"Le jour de l'attentat, on était l'un sur l'autre, collés. Je n'avais qu'une crainte: qu'il s'affaisse sur moi".

Les deux quadras sont "devenus inséparables, indésoudables". "Je préfère quand il est là partout où je vais et lui, pareil".

Pudique, elle confie cependant que "le corps à corps est, depuis, compliqué".

"Un psy nous a conseillé de nous +dé-fusionner+, de reprendre nos identités respectives", explique Anne.

"Nouvelle facette"

Alexandra Vimont, 35 ans, était elle aussi au concert avec son compagnon.

Elle avoue la difficulté à avoir "vécu la même chose sans le vivre de la même manière. On est déphasé : quand l'un est au 36e dessous, l'autre est en colère. C'est assez éprouvant pour un couple, limite déchirant".

Alexandra a découvert "une nouvelle facette" de cet homme qu'elle connaissait depuis 24 ans. "C'est grâce à lui si je suis encore en vie: il a retenu pendant trois heures la porte du local que les assaillants ont essayé d'ouvrir. C'est la première fois que je l'ai vu aussi courageux".

Pas envie des bras d'un autre

"C'était l'homme de ma vie, la personne avec qui j'avais tout construit. Mon mari, le père de mes enfants, mon amant". L'époux d'Aurore Bonnet était au concert avec leur fils de 22 ans.

Après avoir récupéré son fils "totalement hagard", on lui annonce que son mari a été assassiné.

"Vous ne vous en remettez jamais", tranche-t-elle. "Au fin fond de moi, j'ai le vide".

La veuve de 54 ans n'est "pas prête pour le moment à refaire [sa] vie. J'ai pas envie qu'un autre me prenne dans les bras".

Elle ne veut pas "être la femme de celui qui est mort au Bataclan".

Le bébé qui guérit

"Notre couple a traversé des mers très agitées", affirme Carole, qui se trouvait au Bataclan avec Christophe.

Après la tuerie, les deux partenaires gèrent différemment le traumatisme : quand Carole est "en recherche de contacts" et se "rapproche des autres rescapés", Christophe veut "oublier et passer à autre chose".

Une "grande incompréhension" naît entre l'institutrice de 36 ans et l'agriculteur de 47 ans. "Dans l'année qui a suivi, on a été au bord de la rupture", confie Carole.

En septembre 2016, lorsque Carole tombe enceinte, son compagnon n'y croit pas et a des "soupçons d'infidélité".

Carole prend ses distances avec les victimes, sort de ce "monde virtuel": "Ça nous a permis de nous rapprocher". Le 1er juin 2017, leur fille naît.

Elle s'appelle Ophélie, "celle qui guérit" en grec.

Lâché

Fehmi, 26 ans, était en couple depuis trois ans. Après avoir échappé au massacre, sa petite amie l'exhorte à se prendre en main.

"Elle me poussait à faire des choses, à aller mieux", raconte-t-il. Il devient "grincheux". Quand sa copine lui explique qu'elle essaye de "soigner leur relation", Fehmi explose. "J'ai trouvé ça ironique. J'ai perdu ma confiance en elle". Ils se séparent.

"Je suis heureux de l'avoir perdue après le Bataclan, plutôt que 20 ans après, c'est presque un mal pour un bien. C'est une lâcheuse mais ce n'est pas de sa faute. Personne ne peut comprendre la souffrance que j'ai eue".

Ne plus reconnaître l'autre

Le soir du 13 novembre, Zoé (prénom modifié) est chez elle quand son petit ami prend une balle dans la jambe.

Hôpital, centre de rééducation, la convalescence dure près de six mois.

Si, au début, l'attentat a "ressoudé la relation" du couple formé il y a neuf ans, viennent ensuite des "périodes plus difficiles".

"Il avait des crises de folie, il s'est mis à se rouler par terre et à hurler", décrit la jeune femme de 27 ans. "Il me parlait pas, et je ne savais pas comment l'aider. J'ai eu beaucoup de mal à le reconnaître".

Terrorisé, son petit ami s'est installé en Chine "où il n'y a pas eu d'attentats jihadistes, où il se sent en sécurité". Zoé tente de le rejoindre.

Le cœur qui bat

Frédéric, 37 ans, était au Bataclan avec sa compagne, enceinte de trois mois de leur premier bébé.

Quand les coups de feu ont éclaté, ils se jettent par terre, elle a le ventre écrasé au sol. Portés par la "nécessité de sauver le bébé", ils s'échappent par les toits.

Pendant la grossesse, ils vivent "la chose mille fois plus fort". Frédéric "cogite, flippe" quand la future mère se concentre "sur son bébé". "Hyper stressé", Frédéric achète alors un doppler, un appareil qui permet d'écouter le cœur du fœtus...

Trois mois après la naissance de leur fille, le couple attend à nouveau un enfant. "Un beau cadeau", résume Frédéric.

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