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A 98 ans, Edgar Morin dans "l'urgence de transmettre"

"On vit dans une pensée incapable d'affronter la complexité": à Montpellier, devant une trentaine d'enseignants, chercheurs et formateurs, Edgar Morin développe ses idées. A 98 ans, le sociologue vit aujourd'hui dans "l'urgence de transmettre".

Installé dans le centre ancien de Montpellier depuis le printemps 2018, Edgar Morin, né Edgar Nahoum à Paris le 8 juillet 1921 dit y avoir retrouvé "une vie de village". Mais aussi une tradition universitaire remontant au Moyen-Age, lui permettant de multiplier conférences, rencontres ou séminaires.

Presque centenaire, l'auteur de "La Méthode" est "étonnant d'énergie, d'enthousiasme et de capacité à intégrer les éléments de la modernité", salue Jean-Paul Udave, directeur de la Faculté d'éducation de l'université de Montpellier, qui a accueilli Edgar Morin pour un séminaire mercredi soir.

"Il est dans une forme d'urgence un peu frénétique de transmettre", renchérit Agnès Perrin-Doucey, directrice adjointe de la Fde, soulignant que la pensée complexe est au cœur des formations en éducation.

Devant un public conquis, le père de la "pensée complexe", qui ne s'est "jamais enfermé dans un domaine", fustige "la régression intellectuelle et éthique" de notre époque: "Nous sommes une civilisation qui multiplie les égoïsmes et détruit les solidarités".

Passant d'une voix claire d'un grand thème à un autre, d'un ouvrage au suivant avec aisance, humour et pratiquement sans notes, le philosophe a livré mercredi soir pendant près de deux heures la genèse de sa pensée.

- "Prêcher dans le désert" -

"Notre identité humaine est une chose qui n'est nulle part enseignée, sur laquelle nous sommes livrés à l'aveuglement le plus total, nous ne savons pas ce que c'est que l'être humain en dépit des innombrables connaissances qui se sont multipliées”, souligne-t-il un peu plus tard. A ses yeux, l'humain est une “trinité - l'individu, l'espèce et la société".

"Etant donné que nous avons des cellules qui sont les filles des premières cellules de la vie, nous avons en nous de façon singulière toute l'histoire de la vie...nous avons l'univers en nous", ajoute-t-il devant un auditoire fasciné.

Le philosophe distingue "la part prosaïque de la vie - les choses que nous faisons par contrainte et sans plaisir - et la part poétique de la vie qui sont les moments d'effusion, d'amour, de communion qui est la part importante et qu'il s'agit pour chacun d'épanouir".

"Plus on connait, plus les progrès de la connaissances nous font toucher quelque chose d'inconnaissable et de mystérieux", poursuit-il. "On arrive toujours à des limites de la connaissance pourtant c'est une aventure qu'il faut continuer car elle nous fait approcher des mystères".

Au passage, le penseur dénonce "la science et ses énormes pouvoirs qui manquent totalement de régulation".

Selon Edgar Morin, qui fut résistant et s'est désormais engagé dans le combat écologique, le "grand problème" est celui "de notre devenir humain, planétaire".

Ce penseur qui a traversé près d'un siècle appelle à faire "des réformes dans tous les domaines de la vie" et insiste sur l'idée d'une "communauté de destin terrestre dont on devrait prendre conscience aujourd'hui"...

Sur ce point, se désespère-t-il, "je continue à prêcher dans le désert".

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