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Au procès du "carbone marseillais", code d'honneur et trous de mémoire

Devant ses juges mardi à Paris, le Marseillais "Tatane" feint de ne plus se souvenir qui l'a embrigadé dans la "carambouille" du siècle à la "taxe carbone". Christiane Melgrani, pivot charismatique du dossier, se lève: "C'est tout à son honneur. C'est moi".

Le tribunal correctionnel, qui juge le dossier du "carbone marseillais", volet le plus spectaculaire de cette escroquerie massive sur le marché des droits à polluer avec 385 millions d'euros éludés au fisc français, a débuté l'examen minutieux de la mise en place de l'escroquerie en se heurtant souvent à des trous de mémoire.

Cheveux gris et veste de cuir, Jean-René Benedetti a 75 ans, dont "vingt-cinq" passés en prison mais, dit-il, "jamais" pour de l'escroquerie ou du trafic de stupéfiants.

Il nie bien connaître Christiane Melgrani, ex-enseignante marseillaise soupçonnée d'être au cœur de la fraude, et affirme être seulement proche de "Gisèle", la mère de la compagne de celle-ci: "J'allais deux fois par semaine lui acheter des escargots".

La justice lui reproche d'avoir été un temps gérant d'une des sociétés matrices de l'escroquerie. Voix bourrue teintée d'un fort accent marseillais, bras agités, le retraité affirme, confus, qu'un inconnu lui avait demandé d'en prendre la gérance.

Christiane Melgrani se lève: "Il fait partie de l'ancienne école, c'est tout à son honneur. C'est moi".

Pour le reste, cet homme surnommé "Tatane", qui est allé ouvrir des comptes bancaires en Espagne pour cette société, ne se "rappelle pas" grand-chose.

- "Qui vous donnait des espèces pour remettre sur ce compte?", demande la présidente.

- "Ah, j'me rappelle plus !"

- "Vous êtes de l'ancienne école, Mme Melgrani a raison !"

L'un des deux procureurs du Parquet national financier s'agace:

- "Je ne parle que le parisien. Qu'est-ce que ça veut dire, en marseillais, +je sais plus+" ?

- "Je parle la même langue que vous", proteste Benedetti.

Me Hervé Témime, qui défend un autre des 36 prévenus, fait la moue: "Vous êtes procureur de la République, franchement, +Je parle parisien+... Moi, je parle français".

Le procureur finira par parler au prévenu en articulant chaque mot distinctement.

- "Louche" -

Un peu plus tard, c'est au tour de la belle-soeur de Christiane Melgrani d'être entendue.

Cette retraitée aux courts cheveux teints en roux, qui a arrêté l'école "à 14 ans" et lit "difficilement", doit expliquer comment elle s'est retrouvée deux jours à Hong Kong pour y ouvrir un compte offshore.

Alors qu'elle semble prête à resservir une vieille explication au tribunal, Christiane Melgrani s'agite entre les gendarmes qui la surveillent. La retraitée s'autorise alors à accuser la Marseillaise et sa propre soeur, compagne de celle-ci.

"Madame Melgrani vient de vous dire que vous pouviez changer de version", résume le procureur.

Cette demande d'ouvrir un compte à Hong Kong n'était-elle pas "louche", demande la présidente ? "Ca m'a pas fait tilt", jure la retraitée, "j'ai rendu service".

Chewing-gum en bouche, Christiane Melgrani ne perd pas une miette des débats. Elle seule semble ne pas avoir de problèmes de mémoire.

Soupçonnée par les enquêteurs d'avoir joué de ses liens "réels ou supposés avec le milieu corse" pour faire "pression sur l'ensemble des protagonistes du dossier", elle dont les déclarations "donnent le ton", selon le tribunal, avait développé lundi son propre code d'honneur: "Je vous dirai ce que j'ai fait, ce que j'ai fait faire", "mais mettre en cause des gens qui sont pas là, c'est pas dans ma nature".

Elle avait pourtant accusé des morts pendant l'enquête.

Sa compagne Angelina Porcaro, elle aussi poursuivie, a quant à elle fait montre d'un sens de l'honneur familial bien particulier.

Alors que des prévenus avaient appelé sa mère "Gisèle" par son prénom, cette femme soupçonnée d'avoir joué de liens avec la mafia napolitaine est venue tonner à la barre: "Ma mère, elle a 92 ans. On la respecte !"

Le procès doit durer jusqu'à fin mars.

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