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Autriche: les défis climatiques bousculent le jeu électoral

Un tunnel autoroutier sous un parc naturel? "C'est une solution du passé", lance le candidat écologiste Lukas Hammer aux sympathisants venus randonner avec lui en périphérie de Vienne, convaincus que les Verts autrichiens vont marquer des points aux législatives de dimanche.

Pour un des derniers rendez-vous de la campagne avant les élections du 29 septembre, les "Grünen" de Vienne donnent une leçon de choses: rendez-vous dans la Lobau, un vaste espace de prairies alluviales en bord de Danube, sous lequel un tunnel autoroutier doit voir le jour d'ici 2030.

Les amoureux de cette jungle viennoise, "seul exemple de parc national au coeur d'une capitale européenne" rappellent-ils, mènent depuis des années une guérilla judiciaire pour empêcher la construction de ces 19 kilomètres destinées à fluidifier le trafic de l'est de la métropole.

"On ne peut plus se permettre ce genre de projets en pleine crise climatique", critique Lukas Hammer, 36 ans, en lice pour entrer au Parlement.

"Construire une autoroute pour répondre à un problème de mobilité, c'est ce qu'on faisait dans les années 1970 mais il est urgent de changer complètement de paradigme", professe le candidat à une quarantaine de marcheurs.

Si le message des Verts n'a pas toujours fait mouche en Autriche, les temps ont changé. Le parti est crédité de 11 à 13% des voix aux législatives de dimanche alors qu'il n'avait pas atteint le seuil des 4% permettant d'entrer au Parlement aux dernières élections de l'automne 2017.

- Ecolos convoités -

Dans tous les sondages des derniers mois, les électeurs placent les questions d'environnement au premier rang de leurs préoccupations. Il y a deux ans, la question migratoire avait dominé le débat électoral.

Tous les partis politiques ont verdi leur programme, proclamant la nécessité de répondre au défi climatique. Et les Verts sont devenus un possible allié de coalition convoité, y compris par l'ultra favori chef des conservateurs Sebastian Kurz, qui gouvernait jusqu'en mai avec l'extrême droite.

Les militants du parti écologiste, dont est issu le chef de l'Etat Alexander Van der Bellen, s'amuseraient presque de ce retour en grâce.

"Nous n'avons pas changé, nous tenons exactement le même discours qu'en 2017", constate Thomas Müller, conseiller municipal écologiste dans le troisième arrondissement de la capitale, qui reconnaît que la dynamique du mouvement "Fridays for future" a accéléré la prise de conscience dans la nation alpine de 8,8 d'habitants.

Car ses vertes montagnes, ses rivières limpides et son air pur ne préservent pas l'Autriche des périls climatiques.

Précurseur dans plusieurs domaines, comme l'agriculture biologique qui occupe 25% des surfaces cultivées -le plus fort taux de l'Union européenne- ou les énergies renouvelables -33% de la consommation nationale, le double de la moyenne européenne- le pays a aussi ses points faibles.

"Le gros point noir, c'est la production de CO2 en lien avec le trafic des voitures et des camions", explique à l'AFP Johannes Wahlmüller, expert climatique au sein de l'ONG Global 2000.

- Croissance et environnement -

Sur une période de 27 ans entre 1990 et 2017, l'Autriche compte avec cinq autres Etats de l'UE parmi les seuls pays qui ont vu leur émissions de gaz à serre continuer à augmenter, quand elles ont, en moyenne, baissé de 22% dans l'ensemble de l'Union.

Sur la même période, dans le seul domaine des transports, ces émissions ont augmenté de 71%, selon les chiffres du ministère de l'Environnement.

Pays prospère, l'Autriche possède un important parc automobile et son dynamisme économique repose sur un tissu d'entreprises éparpillées sur tout le territoire, jusqu'au coeur des vallées alpines, où la circulation des biens et des personnes est particulièrement dense. Sa situation géographique au centre de l'Europe en fait aussi un axe important du transport routier continental.

Mais des pays au niveau de vie et de croissance comparables, comme la Suède, ont ces vingt dernières années réduit leurs émissions dans des proportions conséquentes, prouvant, selon les experts climatiques, que les gouvernements autrichiens ont manqué de volontarisme pour mettre en oeuvre des mesures indispensables.

Une alliance entre les Verts et Sebastian Kurz, en désaccord notamment sur l'instauration d'une taxe carbone, nécessiterait "un vrai virage" du parti conservateur dans ses engagements écologiques, confie à l'AFP Dominic Rein, un jeune activiste autrichien de "Fridays for future".

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