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Aux Restos du coeur, amener la vaccination vers un public "sous les radars"

"C'est facile" et "ici, c'est un peu chez eux": pour Beauty et Kamel, les freins à la vaccination tombent aux Restos du Coeur de Bordeaux qui proposent des injections en même temps que la distribution alimentaire, une façon d'aller "au plus près" d'une "population sous les radars".

Au départ un peu sceptique avec le vaccin, Beauty, Nigériane de 28 ans, a sauté le pas : "Ici, on peut parler, discuter avec les gens, ça fait moins peur et c'est facile pour moi, c'est à côté", explique cette bénéficiaire-bénévole des Restos du coeur, qui fournissent de l'aide alimentaire à 600 familles.

C'est jour de distribution à Bordeaux près de la Gare, mais ce mardi, deux infirmières Martine et Sarah, sont là aussi pour vacciner les volontaires : l'une est installée dans la cuisine tandis que sa collègue pique derrière un paravent en osier, posé là pour plus d'intimité.

Avec la pandémie, les Restos du coeur, réseau de 2.000 centres aux avant-postes de la grande précarité, ont signé une convention nationale avec les ARS (Agences régionales de santé) pour proposer aux bénéficiaires de repartir non seulement avec un colis alimentaire mais aussi un pass sanitaire.

"On facilite l'accès à la vaccination mais on n'incite pas", souligne la présidente des "Restos" de Gironde Muriel Quilichini, en précisant que le centre bordelais propose un service "inconditionnel", aux bénéficiaires comme aux non-bénéficiaires de l'aide alimentaire.

"En juillet, on s'est aperçu qu'il y avait une demande sur la vaccination mais les gens ne savaient pas comment faire, à qui s'adresser (...) En 72 heures, on a créé ce centre de vaccination", explique l'infirmière Martine Darzacq.

L'opération a été montée en partenariat avec le Café santé solidaire, qu'elle a créé il y a cinq ans, pour offrir aux plus précaires, au sein-même des Restos, un lieu d'échanges sur la santé, sous l'égide du Département.

- "relation de confiance" -

Pour ce public très démuni, les freins à la vaccination peuvent être multiples : outre la barrière de la langue, "ce sont des personnes qui ne sont peut-être pas inscrites dans un parcours de santé habituel, ou tout simplement n'ayant pas accès au numérique, ou qui sont en manque d'informations", détaille Muriel Quilichini. En résumé, "une population un peu sous les radars".

Ce mardi, environ 70 injections de première et seconde dose étaient prévues mais le centre accueille aussi sans rendez-vous. Martine et Sarah voient défiler des sans-papiers, des travailleurs trentenaires envoyés par un Centre d'accueil de demandeurs d'asile (Cada), des livreurs de plats à domicile, qui se sont donné le mot, de jeunes majeurs en grande précarité.

Des gens à la rue aussi comme ce Polonais de 46 ans que l'infirmière Martine a approché sur un trottoir la semaine dernière. Sur un papier, elle avait juste griffonné "proposition de vaccination".

En venant ici, les candidats à la vaccination trouvent des têtes de bénévoles bien connues, "une relation de confiance" qui facilite le chemin vers la vaccination, souligne l'infirmière qui piquait ses premiers patients le 27 juillet et en recevra encore en septembre.

"C'est là et c'est tout de suite, et puis ici, ils sont un peu chez eux", résume le bénévole Charles Destizons.

Kamel, sans-papier tunisien de 42 ans, a pris rendez-vous parce que "c'est facile ici". Mais s'il s'est décidé, c'est aussi parce qu'il recherchait la discrétion. "Les gens qui n'ont pas de papier ont toujours un peu peur", glisse-t-il.

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