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Brian Aïello, tombé dans la taxidermie "par hasard", et resté "par passion"

Penché au-dessus d'un grand bac en plastique rempli d'une solution acide, Brian Aïello semble déconnecté du monde extérieur: disqueuse à la main, il entame l'"amincissement" de la peau d'une lionne, depuis le laboratoire de taxidermie du Muséum de Toulouse.

A 44 ans, il est aujourd'hui le "numéro 5" de la lignée très sélective des taxidermistes de cet établissement ouvert en 1865, le deuxième plus important en France après celui de Paris.

C'est l'histoire d'une passion pour l’ornithologie qui remonte à l'enfance, agrémentée d'une dose de hasard, qui happera M. Aïello dans le monde de la taxidermie.

Cette méthode vieille de plus d'un siècle consiste à donner à un animal mort l'illusion de la vie.

"Mais la profession s'écroule", souligne le taxidermiste originaire du Tarn, qui fait partie d'une petite poignée --moins de 10 en France- à travailler en musée.

Les autres taxidermistes --une centaine, contre quelque 400 dans les années 1990-- exercent dans le privé. "Les trophées de chasse ne sont plus dans l'air du temps et la demande ne cesse de dégringoler", explique-t-il.

Exposés au public ou dans les sous-sols, ils sont des milliers d'animaux naturalisés à peupler les collections du Muséum de Toulouse. Les dépouilles de plusieurs centaines d'autres, conservées dans des congélateurs, attendent de passer entre les mains de Brian Aïello pour retrouver "une vie éternelle".

- Plusieurs métiers en un -

"C'est avec une martre que tout a commencé...", raconte le taxidermiste, remontant loin dans les souvenirs de ses années d'étudiant en "gestion de la faune sauvage".

Lors d'une balade en forêt dans l'Hérault en 1997, il tombe sur la dépouille de ce petit mammifère au pelage brun et crème, qu'il porte chez un taxidermiste privé, "par curiosité".

Et l'aventure est lancée.

"J'ai fais une formation de deux ans avec lui", dans le cadre d'un CAP de taxidermie, explique-t-il. En 2005, il intègrera le prestigieux Muséum de Toulouse, qui était à la recherche du successeur de son taxidermiste "numéro 4".

Depuis, "je me régale. Je ne compte pas les heures de travail", s'enthousiasme M. Aiello, conscient du caractère "exceptionnel" de son métier, ou plutôt de "ses métiers".

Car pour obtenir un animal naturalisé, le taxidermiste doit maîtriser de nombreuses techniques, très différentes les unes des autres.

"La première consiste dans le +dépouillage+ de l'animal, en effectuant une incision sur la peau, qui est progressivement dissociée du reste du corps", explique M. Aiello, en plantant délicatement une lame dans le pelage d'une genette.

La peau est ensuite trempée plusieurs jours dans une solution spéciale, permettant de retirer les restes de muscle et de graisse, avant de procéder au tannage qui la rend imputrescible. Puis, l'étape la plus longue est celle de la sculpture, "au millimètre près", du mannequin de l'animal dans du polyéthylène, grâce notamment aux mesures prises sur l'écorché.

Une fois le "corps" du félin prêt, il ne restera plus qu'à le revêtir de sa vraie peau, et à lui trouver les "meilleurs faux yeux".

- "Laisser une trace" -

"Dans mon métier, le +comment+ est intéressant, mais le +pourquoi+ l'est encore plus", soutient le taxidermiste. "On assiste à une perte de la biodiversité colossale, et il nous a semblé évident qu'on se devait d'apporter un témoignage contemporain du vivant".

Ainsi, pour lui, la taxidermie n'est pas une fin en soi, mais "un moyen, à travers les expositions, d'alerter sur telle ou telle situation, et de laisser une trace" aux générations futures, notamment aux chercheurs et scientifiques.

Sur le terrain, le Muséum de Toulouse a noué un partenariat avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), que lui fournit les dépouilles d'espèces --la plupart protégées-- retrouvées mortes dans leur milieu naturel du grand Sud-Ouest.

Aujourd'hui, Brian Aïello est le seul taxidermiste de l'établissement toulousain, où le savoir-faire se transmet précieusement de génération en génération.

"Avec Jean-Pierre Barthès, mon prédécesseur aujourd'hui décédé, on était deux personnes voraces d'apprendre, et il m'a transmis à l'oral toute une part de ses connaissances, notamment l'histoire des collections", se souvient avec émotion M. Aïello, qui fera sûrement la même chose à la veille de sa retraite, avec celui qui deviendra le "numéro 6".

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