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Cannabis: le commerce de produits dérivés fleurit en profitant d'une "zone grise"

Crèmes, dentifrice, tisanes ou cakes: ces derniers mois, des boutiques vendant des produits dérivés du cannabis ont poussé comme des champignons, mais pour combien de temps? Le gouvernement veut mettre fin à cette "zone grise du droit" et une enquête a été ouverte à Paris.

Après Besançon il y a six mois, Montpellier, Lille, Vesoul... les boutiques, très éloignées des "coffee-shops" d'Amsterdam, fleurissent depuis deux semaines dans les rues de la capitale, provoquant des queues interminables devant leurs portes.

Comment expliquer cette apparition soudaine ? "Par une normalisation depuis quatre ou cinq ans du cannabis, la présence sur le marché de nombreux produits importés et coupés n'importe comment, et en parallèle, le développement d'une filière +bien-être+, de meilleure qualité, avec des produits venant de Suisse", répond à l'AFP un des responsables de l'association NORML (favorable à une régulation du cannabis), Béchir Bouderbala.

Les gérants ont aussi en stock des fleurs de cannabis pouvant servir à des infusions mais aussi à fumer, qu'ils évitent de présenter au chaland car leur vente est strictement interdite en France. Ils ne font pas non plus la promotion des vertus thérapeutiques supposées du cannabis, pour ne pas s'exposer à des sanctions légales qui peuvent aller jusqu'à 5 ans de prison et 75.000 euros d'amende.

Qu'importe ces précautions: leur vente est une aubaine pour des fumeurs (700.000 consommateurs quotidiens, selon des chiffres officiels) comme Ronald (prénom d'emprunt), qui ne cache pas sa joie en poussant la porte d'une de ces échoppes rue Oberkampf, rue branchée de l'est de la capitale: "Sentez cette odeur, c'est génial !".

Consommateur depuis plus de vingt ans, ce dentiste de 37 ans confie "fumer un pétard ou deux de temps en temps, surtout le week-end" pour se "détendre".

"Quand je fume ce que j'achète sur le marché illicite, j'ai les lèvres violettes, je deviens bête, je m'assieds par terre même s'il pleut dans la rue", avoue-t-il, gêné. Mais dans la boutique, les produits lui permettent de retrouver "le petit bourdonnement magique de ce qu'(il) fumait quand (il) était jeune", car ils sont "moins coupés, et présentent moins d'effets psychotropes".

Les dérivés type cake ou milk-shake sont vendus en respectant deux conditions: être faits à partir de cannabidiol (ou CBD, composant du cannabis, qui procure la relaxation), dont la molécule n'est pas interdite en France, et avoir un produit final au taux de THC (à l'origine des effets psychotropes) inférieur à 0,2%.

- légalité ? -

Dans sa boutique parisienne "Canna Coffee", Gabin Formont ne vend "pas un produit stupéfiant mais un produit alimentaire ou cosmétique", tels que des "huiles, en extraction pure avec 1 et 6% de CBD concentré (entre 40 à 130 euros), pommade (100 euros), thés (20 euros), cookies +de l'espace+, pain perdu, brownies".

Plus d'une centaine de clients affluent chaque jour dans sa boutique, comme ailleurs à Paris, en dépit d'une note publiée le 11 juin par la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) qui rappelle que si le cannabidiol (ou chanvre) n'est pas illicite, le THC (delta-9-tétrahydrocannabinol) est un stupéfiant interdit.

En France, le chanvre est utilisé à des fins commerciales, notamment dans l'alimentation ou le bâtiment. En mettant en avant les produits alimentaires, les commerçants estiment être dans la légalité.

Autre argument: la contradiction entre droit français et droit européen. Selon Me Francis Caballero, spécialiste en droit des drogues, "l'arrêt Hammarsten du 16 janvier 2003 précise que l'Europe s'oppose à toute restriction du commerce du CBD. La France ne peut pas restreindre ou interdire ce commerce", plaide-t-il.

Un avis que ne partage pas la ministre de la Santé Agnès Buzyn, pour qui "ces coffee shops se sont ouverts sur une zone grise du droit". Elle a annoncé dimanche que son ministère et celui de l'Economie allaient plancher sur la loi pour la clarifier.

En attendant, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire le 11 juin concernant une des boutiques parisiennes pour vérifier si elle respecte la législation.

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