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Cannabis thérapeutique: Agnès Buzyn ouvre un débat sensible

Des malades français du cancer ou de la sclérose en plaques pourront-ils bientôt utiliser des médicaments à base de cannabis? La ministre de la Santé Agnès Buzyn a ouvert le débat jeudi, en concédant l'existence d'un "retard" sur d'autres pays.

"J'ai demandé aux différentes institutions qui évaluent les médicaments de me faire remonter l'état des connaissances sur le sujet, parce qu'il n'y a aucune raison d'exclure, sous prétexte que c'est du cannabis, une molécule qui peut être intéressante pour le traitement de certaines douleurs très invalidantes", a-t-elle déclaré sur France Inter.

Le cannabis médical pourrait donc arriver en France? "Ça pourrait". "Je ne peux pas vous dire à quelle vitesse nous allons le développer mais en tous les cas, j'ouvre le débat avec les institutions responsables", a-t-elle ajouté.

"C'est peut-être un retard que la France a pris quant à la recherche et au développement du cannabis médical. D'autres pays l'ont fait", a déclaré la ministre.

Une dizaine de pays de l'Union européenne a autorisé le cannabis à des fins médicales. Le dernier en date est la Grèce, en mars.

Selon ses défenseurs, le cannabis médical soulage les douleurs causées par des maladies comme la sclérose en plaques ou la maladie de Charcot et combat les nausées dont souffrent par exemple des patients sous chimiothérapie.

Les propos de la ministre sont "tout à fait encourageants pour tous les patients qui attendent que les choses bougent, mais nous restons méfiants car on nous a souvent fait croire des choses", a réagi auprès de l'AFP le docteur Olivier Bertrand, membre de l'association NORML, qui milite pour la légalisation du cannabis.

"C'est un premier pas, mais il y a encore tout à faire", a renchéri Sébastien Béguerie, de l'Union francophone pour les cannabinoïdes en médecines (UFCM).

- "Peur" -

On l'ignore souvent, mais le cannabis thérapeutique n'est pas prohibé en France. On ne parle pas là de l'autorisation pour des malades de fumer du cannabis, mais bien de la fabrication de médicaments à base de cannabis.

Depuis 2013, ces derniers peuvent faire l'objet d'une Autorisation de mise sur le marché (AMM).

Un seul en a bénéficié: le Sativex, spray destiné à soulager des malades atteints de sclérose en plaques. Il a obtenu cette autorisation en janvier 2014 mais n'est toujours pas commercialisé, en raison d'un désaccord sur son prix de vente.

En outre, la Haute autorité de santé (HAS) a jugé que son "service médical rendu" était "faible".

"La question du prix de vente est une manière de détourner le débat: le Sativex fait l'objet d'un blocage administratif qui cache une volonté politique", accuse Olivier Bertrand, qui conteste aussi l'avis de la HAS.

Par ailleurs, d'autres médicaments, le Marinol et l'Epidiolex, disposent d'une Autorisation temporaire d'utilisation (ATU). Mais leur usage ne concerne "qu'une centaine de personnes" en France chacun, selon l'addictologue Michel Reynaud, président du Fonds Actions Addictions.

"Le débat sur le cannabis est très difficile à ouvrir en France", explique-t-il à l'AFP. "Il existe une peur qu'en entamant une réflexion sur le cannabis thérapeutique, on ouvre la porte" à la légalisation du cannabis récréatif, dit-il.

Or, "le débat sur les effets thérapeutiques du cannabis doit être mené comme pour tout médicament, en examinant les bénéfices et les risques", poursuit le professeur Reynaud.

Selon lui, le cannabis thérapeutique "ne sera pas le médicament miracle du cancer ou de la sclérose en plaques, mais il a fait ses preuves dans l'action complémentaire du traitement des symptômes" de certaines maladies.

"Après avoir pris une position de fermeté vis-à-vis de la consommation (avec l'annonce d'une amende de 300 euros, ndlr), le gouvernement veut montrer qu'il n'est pas obtus et ouvre une réflexion plus sereine" sur le cannabis thérapeutique, analyse le professeur Reynaud.

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