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Climat: derrière les milliards promis au sud, des vies à préserver

Restaurer des zones humides en Ouganda ou renforcer les côtes de Tuvalu: derrière les batailles diplomatiques sur les "financements climat" se cachent des projets concrets voués à rester dans les tiroirs si les pays riches ne donnent pas les milliards promis.

Les pays développés se sont engagés à porter d'ici 2020 à 100 milliards de dollars par an leur soutien aux politiques climat des plus pauvres qui doivent notamment se préparer aux impacts des dérèglements climatiques. Une promesse pour laquelle les pays du Sud réclament sans cesse des garanties.

Digues, surélévation des habitats, système d'alerte météo... Leurs besoins sont légion pour faire face à l'augmentation du niveau de la mer, aux sécheresses ou aux inondations plus fréquentes, qui frapperont même si le monde parvient à limiter le réchauffement à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle, objectif minimum prévu par l'accord de Paris.

Dans l'est de l'Ouganda par exemple, les zones humides dégradées par l'agriculture ne jouent plus leur rôle de "tampon" lorsque des orages sur le Mont Elgon voisin précipitent vers elles d'importantes quantités d'eau, explique Benjamin Larroquette, du Programme des Nations unies pour le développement.

Pour les paysans qui ne savent plus quand les pluies vont emporter leurs cultures, "c'est la roulette russe", relève-t-il. Alors le projet dont il s'occupe prévoit de régénérer 60.000 hectares de zones humides dans le pays, notamment en replantant les papyrus d'origine et en reconnectant les petits cours d'eau.

L'objectif est aussi de développer des moyens de subsistance alternatifs (pisciculture, graines améliorées...) pour près d'un million d'habitants, grâce à un budget de 45 millions de dollars sur huit ans, dont plus de la moitié venant du Fonds vert pour le climat.

Les 10 milliards de ce Fonds, destiné à aider les pays en développement à s'adapter aux conséquences du réchauffement et à réduire leurs émissions de CO2 (énergies renouvelables...), ne représentent qu'une petite partie des aides climat mais le total de ces financements est loin d'être suffisant.

- Parapluie contre ouragan -

"Faire face au changement climatique avec le niveau actuel de financement, c'est comme marcher vers un ouragan de catégorie 5 seulement protégé par un parapluie", a dénoncé la responsable climat de l'ONU Patricia Espinosa lors de la session de négociations en cours à Bonn (Allemagne).

"Nous parlons en terme de millions et de milliards de dollars alors que nous devrions parler en milliers de milliards", a-t-elle insisté. La dernière évaluation du Programme des Nations unies pour l'environnement estimait les besoins pour les seules actions d'adaptation entre 140 et 300 milliards annuels d'ici 2030.

Et les promesses, déjà en deçà de ces besoins, sont loin d'être remplies.

Selon un récent rapport d'Oxfam, les pays donateurs ont déclaré en 2015-2016 48 milliards de dollars annuels, mais seulement 16 à 21 milliards peuvent être véritablement comptabilisés comme une assistance climat. Notamment parce que certaines aides classiques au développement viennent gonfler l'addition, selon l'ONG.

Que faut-il inclure dans les financements climat ? Les pays riches doivent-ils donner plus de "prévisibilité" aux plus pauvres pour leur permettre de programmer leurs actions climatiques à long terme ? De multiples questions liées au financement, point de friction récurrent des négociations climat, sont observées de près avant la 24e conférence climat de l'ONU (COP24) en décembre.

D'ici cette réunion cruciale pour évaluer la volonté des États à faire plus contre le réchauffement, les ONG espèrent que le Fonds vert, malgré les critiques sur sa complexité administrative, atteigne le palier nécessaire de fonds approuvés pour déclencher sa recapitalisation.

"De nouvelles promesses ambitieuses pour le Fonds vert permettraient de renforcer la confiance des pays en développement", plaide Tracy Carty, d'Oxfam.

Les 100 milliards "ne seront pas suffisants" de toute façon, note Joe Thwaites, expert au World Resources Institute.

Alors faut-il imaginer de nouvelles sources de financement ? "La question n'est pas tant de trouver de nouvelles sources que d'aligner celles qui existent" sur les objectifs de l'accord de Paris, estime-t-il, envisageant un futur système financier totalement "compatible" avec les objectifs du pacte climatique.

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