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Climat: les républicains américains vont-ils rejoindre le combat ?

Francis Rooney a tout de la panoplie du parlementaire républicain: élu d'une circonscription conservatrice de Floride, il est opposé au financement au niveau fédéral de l'avortement et soutient le mur à la frontière avec le Mexique, promesse phare de Donald Trump.

Mais le sexagénaire fait également partie de la poignée de parlementaires de son parti à avoir reconnu la responsabilité des activités humaines dans le changement climatique et a récemment co-parrainé une proposition de taxe carbone.

Malgré un dirigeant républicain, Donald Trump, ouvertement climatosceptique et les troupes du Grand Old Party en majorité réticentes à croire à l'implication humaine dans le réchauffement, la perception de certains dans ses rangs changent, témoins de la hausse des catastrophes climatiques et de la sensibilité croissante du public à cet enjeu.

"Soixante et onze pourcent des personnes dans ma circonscription disent que le changement climatique est réel, nous avons peur de la hausse du niveau des océans et nous voulons que le gouvernement fasse quelque chose", a lancé Francis Rooney, citant un sondage récent, lors d'un événement organisé cette semaine par l'organisme de recherche World Resources Institute.

Avec un collègue démocrate, ils ont présenté fin juillet un nouveau texte pour fixer un prix aux émissions de C02, l'une des nombreuses propositions de lois du même type en ce moment devant la Chambre des représentants.

- "Républicains nerveux" -

La législation n'a, pour l'instant, aucune chance d'entrer en vigueur. Il est fort peu probable de voir le texte approuvé au Sénat, à majorité républicaine et, le cas échéant, le locataire de la Maison Blanche opposerait certainement son veto.

Mais ce texte "indique que les républicains et les démocrates commencent à s'entendre sur le fait qu'un prix sur le carbone est la manière la plus efficace de réduire les émissions américaines", écrit dans un billet de blog le Citizens Climate Lobby, un groupe environnemental.

Pour Paul Bledsoe, ancien de l'équipe du président démocrate Bill Clinton, "les républicains sont très nerveux de l'absence d'une politique sérieuse sur le changement climatique parce qu'il commence à avoir des effets énormes sur les Américains".

Francis Rooney et l'élu de Pennsylvanie Brian Fitzpatrick, qui voit aussi d'un bon oeil une taxe carbone, sont les deux parlementaires républicains les plus sensibles au défi posé par le réchauffement. Ces derniers mois, d'autres ont commencé à s'accorder sur l'impératif de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

C'est le cas de Lisa Murkowski, sénatrice de l'Alaska et du Texan John Cornyn, qui ont appelé au développement d'énergies renouvelables.

Si la majorité des membres du parti de Lincoln ne cachent pas leur scepticisme sur la science et le changement climatique, cela n'a pas toujours été ainsi.

A la fin des années 60, quand les Américains ont pris connaissance pour la première fois du phénomène, l'environnement était une thématique embrassée par les deux partis, confie à l'AFP Karolyn Bowman, experte du think tank American Enterprise Institute.

En effet, l'Environmental Protection Agency (EPA), l'équivalent du ministère de l'Environnement, a été créé sous le président républicain Richard Nixon, en 1970.

L'imposition de taxes pour réduire les émissions de dioxyde de souffre par exemple a été employée par le président George H.W. Bush (1989-1993).

Le virage radical a été entraîné par le lobbying de groupes d'intérêts financés par les frères Koch, et par l'émergence d'un mouvement contre les taxes au Congrès républicain dans les années 90 et au sein du Tea Party à la fin des années 2000.

La suite reste à écrire. Une victoire du milliardaire républicain en 2020 serait synonyme de mort dans l'oeuf de toute loi ambitieuse sur le climat aux Etats-Unis, selon Paul Bledsoe, également enseignant à l'American University. Et ce, même si les plus jeunes républicains commencent à être davantage sensibles à l'enjeu.

Mais pour David Karol, professeur à l'université du Maryland, l'apparition d'un groupe au Congrès réunissant des démocrates et des républicains pour discuter des solutions pour le climat en 2016, fut un développement intéressant.

Certains militants pour l'environnement l'ont critiqué comme un moyen pour les législateurs républicains de "cocher une case et prétendre s'y soucier".

"Même si c'est vrai, le fait que des politiciens républicains aient ressenti un besoin de le faire en dit long sur le positionnement de l'opinion publique", tranche David Karol.

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