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Coronavirus: après le drame, le secteur du grand âge dans l'attente d'une réforme

"Ça ne peut plus durer": très éprouvés par l'épidémie, les professionnels des maisons de retraite et de l'aide à domicile aux personnes âgées attendent de l'Etat une réponse rapide à la crise, notamment via les investissements massifs qu'ils réclament depuis des années.

Juste avant l'irruption de l'épidémie, les salariés du secteur s'étaient encore mobilisés pour rappeler au gouvernement l'"urgence" de mettre en chantier la loi sur le grand âge, plusieurs fois repoussée, et qui était alors promise pour "avant l'été".

Avant cette crise, ils dénonçaient déjà depuis au moins deux ans un manque criant de moyens et d'effectifs, entraînant selon eux des conditions de travail très difficiles et une forme de "maltraitance institutionnelle" envers les aînés.

Depuis, le coronavirus est passé par là, plaçant les établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) au coeur de la tempête: environ la moitié des quelque 27.000 victimes du virus recensées à ce jour en France résidaient en maisons de retraite.

Et encore ce bilan ne tient-il pas compte des personnes âgées en perte d'autonomie décédées chez elles des suites du Covid-19. Selon le Dr Jean-Paul Zerbib, responsable du secteur à la CFE-CGC, 8 à 10.000 décès supplémentaires, pour la plupart de personnes âgées, seraient à déplorer à domicile.

"Ce qui a manqué de manière criante pendant cette crise, à domicile comme dans les établissements, c'est le personnel", dénonce Jacqueline Fiorentino, de la CFDT. "A cela est venu s'ajouter un manque invraisemblable de matériel" de protection, ajoute cette syndicaliste.

Faute de personnel en nombre suffisant, certains établissements n'ont pas pu mettre en quarantaine les salariés susceptibles d'être contaminés ou dont le conjoint l'était, ont déploré cette semaine lors d'une conférence de presse plusieurs syndicats du secteur.

Des associations de gériatres ont également souligné que "le manque de personnel soignant en Ehpad" était "responsable de la contamination des résidents". Ces sous-effectifs augmentent "le risque de transmissions croisées, parce qu'il est impossible pour une aide-soignante d'appliquer parfaitement les mesures barrière lorsqu'elle a plus de 10 toilettes à faire par jour", ont-ils souligné dans un communiqué commun.

- Changer de modèle -

Selon ces médecins spécialistes, c'est tout le modèle du secteur qui doit être revu, les Ehpad étant devenus "des petits hôpitaux qui ne disent pas leur nom, mais sans les ressources humaines et les moyens logistiques des hôpitaux".

Pour la députée LREM Monique Iborra, qui vient de co-rédiger un rapport sur le sujet à l'Assemblée nationale, cette césure entre maisons de retraite et hôpitaux est effectivement l'une des sources des difficultés du secteur.

"Il faut absolument que chaque Ehpad emploie un médecin salarié à temps plein, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui", pointe la parlementaire, qui plaide pour une "accélération du calendrier", afin d'aboutir à une "vraie réforme qui s'attaque aux dysfonctionnements, structurels pour la plupart, constatés pendant l'épidémie".

Car "mettre des effectifs sans changer le modèle et la gouvernance, ça sera insuffisant", prévient la députée, qui espère aboutir à une "loi consensuelle" entre majorité et oppositions.

Du côté du gouvernement, on assure que "l'impact de l'épidémie sur les Ehpad n'a fait que renforcer la détermination" du ministre Olivier Véran à préparer un "projet de loi ambitieux".

Le ministre des Solidarités et de la Santé "travaille d'arrache-pied pour que la question du financement soit réglée à très court terme", a indiqué à l'AFP son cabinet.

A l'AD-PA, une association regroupant des directeurs de maisons de retraites, on confie cependant "vouloir des emplois dès maintenant, sans attendre la grande loi".

Cette loi devra contribuer à "refonder une éthique de l'aide aux personnes âgées", mais en attendant le gouvernement doit débloquer d'ici l'été "5 à 6 milliards d'euros" en vue d'embauches massives et d'un plan de rénovation, puis "12 milliards en année pleine", insiste Pascal Champvert, le directeur de l'AD-PA.

"On a le sentiment que les pouvoirs publics tergiversent encore", soupire le Dr Zerbib, de la CFE-CGC, qui intervient souvent dans les Ehpad. "Ils doivent prendre conscience de la gravité de la situation. Il faut faire vite et fort!".

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