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Covid-19: veillée d'armes dans les hôpitaux franciliens face à la vague qui vient

Ils ont peur et le matériel manque, mais pour l'instant ils tiennent: face à l'arrivée annoncée d'un "tsunami" de patients Covid-19 en région parisienne, les personnels hospitaliers franciliens se serrent les coudes, tout en sachant que la bataille sera longue.

"C'est de la folie ce virus, c'est lourd et ça se dégrade vite". Cathy Le Gac, infirmière en réanimation à l'hôpital Beaujon de Clichy (Hauts-de-Seine), est en première ligne face à la vague qui commence à submerger la région parisienne.

Le directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France Aurélien Rousseau l'a annoncé vendredi matin sur RTL: les chiffres liés à l'épidémie de coronavirus sont désormais "vertigineux".

Sur 1.500 places dans les services de réanimation en Ile-de-France, 1.300 lits sont actuellement occupés.

A Beaujon, les 17 lits en réanimation sont pris. En temps normal, "vous avez des patients graves, des patients stables et des patients qui vont bientôt s'en sortir. Là, c'est 17 patients graves", décrit Cathy Le Gac.

Elle raconte son effroi devant la rapidité avec laquelle certaines situations dégénèrent. "Même intubé ventilé, ça se dégrade d'un coup et on ne comprend pas ce qu'il se passe", lâche-t-elle désemparée.

"Physiquement et psychologiquement, c'est dur. Ça nous fait peur et c'est pas évident à vivre", explique cette infirmière qui s'attend à vivre des jours plus difficiles encore.

Au sud de Paris, au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), le constat est le même. "Il y a des covid partout, il n'y a que ça", lâche Nathalie (prénom modifié), infirmière au contact des patients infectés.

"On a énormément de très jeunes sans aucune pathologie associée" dit celle qui évoque des "collègues stressés, angoissés à l'idée d'attraper" le virus.

Au centre hospitalier Sud-Francilien de Corbeil-Essonnes (Essonne), seuls quatre lits sont disponibles sur les 55 que compte le service réanimation. "Ça va augmenter, le sommet de la vague est prévu pour la fin de la semaine prochaine", craint le docteur Michèle Granier, présidente de la commission médicale de l'établissement.

D'autres experts avancent eux un pic prévu entre le 5 et le 15 avril, donc une vague plus longue et importante.

- La peur de la pénurie -

"Plusieurs centaines de lits supplémentaires", doivent être ouverts en réanimation vendredi sur toute la région "pour tenir encore quelques jours de plus", espère le patron de l'ARS.

Concernant de possibles transferts de patients dans d'autres régions moins touchées, "c'est envisageable", a indiqué Martin Hirsch, le directeur général de l'AP-HP vendredi soir. "On attend que la décision soit prise au niveau national", a ajouté le directeur médical de crise, le Pr Bruno Riou.

Par endroit, comme en Seine-Saint-Denis, les hôpitaux sont déjà saturés. "On est en train de passer à une médecine de guerre", affirme Héloïse (prénom modifié), infirmière. Aucun "tri" de patient n'est encore évoqué, "mais on sait que les patients au-delà de 80 ans ne sont pas prioritaires".

La peur de manquer de matériel est omniprésente. Masques, sur-blouses et charlottes sont rationnés. Certains en viennent à laver leur sur-blouse à usage unique pour les réutiliser.

"J'ai l'impression qu'on nous emmène à la guerre sans arme, comme si on nous donnait des bombes artisanales pour partir au combat", compare Cathy Le Gac.

Cette dernière craint aussi une pénurie de "consommables", les médicaments qui servent à prendre soin des patients en réanimation. Même constat pour les pousse-seringues.

"Un patient covid en réanimation nécessite douze pousse-seringues. Pour un seul patient, c'est très rare, j'ai jamais vu ça", détaille Sébastien Point, secrétaire du syndicat Sud à l'hôpital de Versailles.

Dans cet établissement, les 20 lits de réanimation affichent complet. "On a besoin de 240 pousse-seringues, c'est énorme", dit-il, craignant pour l'approvisionnement de son hôpital.

Seul motif d'optimisme, la solidarité retrouvée de tout le personnel hospitalier. "On retrouve l'hôpital qu'on aime, avec sa solidarité extrêmement forte", se réjouit le professeur Yves Cohen, chef du service réanimation de l'hôpital Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis).

"De l'agent de ménage au directeur, tout le monde tire dans le même sens", salue aussi Sébastien Point. "Et puis ce qui fait chaud au coeur, c'est la générosité des gens: les dessins d'enfants qui arrivent par paquet, les restaurateurs qui nous offrent des repas, les applaudissements... Ça fait du bien".

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