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Dans la salle des fêtes de Trèbes, avec les naufragés des inondations

"J'ai vu ma grand-mère dans son lit flotter sur l'eau", raconte Pierre, l'air hagard. Dans la salle des fêtes de Trèbes (Aude), les naufragés des inondations meurtrières de l'Aude sont sous le choc, les yeux dans le vague, après avoir "tout perdu".

A la nuit tombée, plus qu'une vingtaine de personnes se trouvaient dans la salle communale, dans laquelle s'est rendu le Premier ministre Edouard Philippe. En milieu de journée, ils avaient été plus d'une centaine, avant d'être finalement hébergés par de la famille, des voisins ou des amis.

Une dizaine de lits pliants ont été néanmoins déployés pour ceux qui s'apprêtaient à passer leur première nuit en dehors de leur habitation, comme Lisette Rodrigo, 85 ans.

En robe de chambre, chaussons aux pieds, la vieille femme qui été amenée en milieu de matinée par les pompiers dit "ne pas avoir d'autre choix", sa fille habitant loin.

"J'ai pas son téléphone, elle m'a appelée cette nuit pour me dire d'aller à l'étage ce que j'ai fait", raconte l'octogénaire qui n'a plus eu de nouvelles depuis en raison des coupures d’électricité et d'un réseau téléphonique erratique.

Du personnel de la Croix rouge arrivé en fin de journée et des pompiers sont sur place pour le accueillir, mais la plupart des naufragés restent muet.

- "état de stupeur" -

"Ils sont dans un état de stupeur, ils sont incrédules", observe un pompier requérant l'anonymat.

"Beaucoup veulent retourner dans leur maison mais ils ne se rendent pas compte dans l'état dans laquelle ils vont la retrouver", poursuit le secouriste, alors qu'ils ont été évacués de nuit pour certains.

Les prospections des habitations doivent se poursuivre dans le soirée, a indiqué le pompier "afin d'être sûr qu'il n'y a pas notamment de personnes âgées qui sont restées cloîtrées chez elles".

Un peu plus tôt Pierre, 40 ans, et sa mère, Colette, ont eux aussi trouvé refuge dans la salle communale.

Le quadragénaire, réveillé dans la nuit par son chien, s'est retrouvé avec de l'eau au-dessus du genou et à peine eu le temps de mettre des affaires en hauteur: "C'est allé très vite, ma baie vitrée a explosé sous le pression de l'eau alors j'ai plongé et nagé jusqu'à la maison d'en face où se trouvait ma mère", raconte cet artisan préférant rester anonyme.

Sa mère saine et sauve, le quadragénaire pense aussitôt à sa grand-mère de 97 ans, "grabataire" qui vit à quelques mètres de là et part à son secours. "Je l'ai vue sur son lit anti-escarre en train de flotter. Je l'ai enfourchée et monté à l'étage dans le noir, je me suis cogné un peu partout, mais j'ai fait comme j'ai pu".

"Je l'ai laissée là et puis j'ai empilé des affaires en pensant qu'il faudrait, si l'eau continuait de monter, l'évacuer par la fenêtre de toit", poursuit Pierre, toujours sans nouvelle de sa grand-mère dans la soirée.

"J'entendais des gens crier au secours mais qu'est-ce que je pouvais faire...", s'interroge-t-il, peinant à finir sa phrase. "J'ai du mal à trouver les mots, c'est pas racontable, j'ai même pas eu le temps d'avoir peur", poursuit le rescapé qui "a tout perdu".

- "une grosse vague" -

A quelques mètres, Josette une couverture sur le dos confie sur le bout des lèvres avoir vu une "grosse vague fracasser sa porte d'entrée en bois et sa baie vitrée". "J'étais dans l'escalier, je suis remontée dans la chambre, j'ai crié au secours ! au secours ! et puis j'ai attendu dans le noir", raconte l'octogénaire.

"Quand les pompiers sont arrivés, je ne voulais pas quitter ma maison, mais ils m'ont convaincue", explique la grand-mère pour qui l'attente des secours a paru "une éternité".

"Je n'ai pas fermé ma maison, j'ai peur des cambrioleurs, j'aimerais bien y retourner, même s'il y a plus rien", poursuit Josette.

"J'ai même pas mon carnet avec mes numéros pour prévenir ma famille maintenant", se désespère-t-elle, entourée de ses voisines dans le même cas qu'elle.

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