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Dans la Vienne, des agriculteurs tentent de sauvegarder la faune sauvage

Des haies d'arbres, des couloirs d'herbes en plein champ : dans un paysage agricole marqué par la culture intensive à grande échelle au risque d'abîmer l'environnement, l'exploitation de Marc Caillé détonne. Depuis des années, cet agriculteur de la Vienne s'efforce d'offrir un abri aux insectes et oiseaux dont les populations s'effondrent.

Dans cette région, les anciennes terres bocagères d'élevage ont laissé la place aux grandes cultures. Combinées à l'intensification des pratiques agricoles depuis 25 ans, ces modifications ont entraîné une diminution du nombre d'oiseaux des champs. Dans une étude parue en mars, le CNRS et le Muséum national d'histoire naturel parlent d'un "déclin (...) proche de la catastrophe écologique" en France.

"Les oiseaux en milieu agricole ne trouvent plus de lieu pour nicher et ont moins de ressources alimentaires", abonde Céline Gracieux, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) Vienne.

Marc Caillé, 60 ans, n'a pas attendu ce constat alarmant pour agir sur cette exploitation d'une centaine d'hectares de cultures fourragères et céréalières, avec 400 chèvres laitières.

"En 1999, on a replanté des haies là où mon père en avait arraché" pour agrandir des parcelles et enlever des ormes malades, raconte-t-il.

Au milieu des années 2000, il participe à un programme de la LPO, qui avait recensé 46 espèces d'oiseaux (tourterelles des bois, alouette lulu, pic épeiche, grive musicienne, caille des blés...) sur ses terres.

Avec l'aide de volontaires, il replante 500 mètres de haies - aubépines, de chênes, de pruniers ou encore de noisetiers - et réaménage une mare encombrée par des saules et des chênes.

Aujourd'hui, les arbres devenus grands accueillent les oiseaux. Des papillons viennent s'abreuver en journée dans la mare, devenue un paradis pour les grenouilles. Marc Caillé a aussi aménagé dans les champs des bandes enherbées, allées à l'état sauvage où les animaux peuvent circuler.

"On voit des nichées de perdrix, ce qu'on ne voyait plus avant", explique l'agriculteur-éleveur, qui a longtemps travaillé avec son frère et a cédé son exploitation en 2016, tout en restant salarié.

- "Revoir des animaux sauvages" -

Il a modifié sa manière de travailler, privilégie la luzerne, moins gourmande en pesticides pour nourrir ses chèvres et met un tiers de ses champs en prairie pour ne pas les traiter.

"C'est plus de travail", reconnaît-il. Au départ, "les chèvres faisaient moins de lait" et "il faut tolérer d'avoir des insectes sur les cultures". Mais au bout de cinq ans, les bons dosages sont trouvés.

"On peut être agriculteur et préserver la nature", assure-t-il dans un grand sourire. Sa motivation ? "Améliorer son cadre de vie".

L'agriculteur n'est pas allé jusqu'à créer des bandes enherbées le long des haies ou à creuser de nouvelles mares, comme préconisé par la LPO, par souci "du regard du voisin" et car "ça faisait beaucoup de choses".

Arnaud Beaucourt, 26 ans, qui a repris l'exploitation, était au départ tourné vers l'agriculture intensive. Mais il a vite été convaincu par cette façon de travailler et envisage même de passer en bio.

"L'exploitation est rentable, elle fait vivre trois personnes, et c'est quand même plus sympa de travailler dans la nature", explique le jeune agriculteur. "Cette année, il y a zéro insecticides sur l'exploitation", se réjouit-il : un plus pour la biodiversité, mais aussi pour sa santé.

A 20 kilomètres de là, Sébastien Eraud, producteur céréalier sur 350 hectares, s'est lancé dans l'aventure à 44 ans. Chasseur, il a vu "une diminution des perdreaux et des faisans depuis une dizaine d'années".

Les populations de lièvres et de lapins baissent aussi, complète Caroline Cailly de la Fédération des chasseurs de la Vienne. Pour y remédier, 25 faisans seront lâchés cet été sur l'exploitation de Sébastien, sans être chassés pendant trois ans.

Après avoir réduit les pesticides, l'agriculteur a planté des haies avec l'aide de la LPO et de la fédération des chasseurs. Pour l'instant les arbustes, de moins d'un mètre, sont à peine visible.

Mais il est prêt à attendre une dizaine d'années pour récolter le fruit de ses efforts et "revoir des animaux sauvages".

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