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Défense de l'environnement ou gros salaire ? Des étudiants de grandes écoles ont choisi

Ils sont à HEC, Polytechnique, Sciences-Po... et se disent prêts à troquer un gros salaire contre un avenir. Depuis plusieurs mois, ces étudiants font pression sur l'enseignement supérieur et les entreprises pour les inciter à intégrer le changement climatique à leurs priorités.

En septembre, ils ont lancé un "manifeste pour un réveil écologique", signé depuis par plus de 30.000 étudiants. "A quoi cela rime-t-il de se déplacer à vélo, quand on travaille par ailleurs pour une entreprise dont l'activité contribue à l'accélération du changement climatique ?", écrivent-ils notamment.

A l'origine de ce texte: Corentin Bisot. Cet étudiant, en 3e année à Polytechnique, qui a changé ses habitudes de vie - il ne mange plus de viande et a renoncé à prendre l'avion -, a eu l'idée de mobiliser des élèves de grandes écoles, vivier essentiel du recrutement des grandes entreprises.

"On voulait signifier par ce texte qu'on choisirait nos employeurs en fonction de leur engagement pour le climat", explique-t-il. "Beaucoup d'entreprises nous disent qu'elles ont des problèmes de turn-over, de recrutement; on sait qu'on les intéresse".

Preuve que leur texte ne laisse pas indifférent, les entreprises réservent apparemment un bon accueil aux étudiants qui les sollicitent pour les rencontrer. Depuis la parution du manifeste, certaines seraient même à l'origine des rendez-vous.

"On va voir exclusivement de très grands groupes", indique Marion Artaud, en première année à HEC, qui ne souhaite pas citer de nom. "On essaye de les mettre face à leurs incohérences mais aussi de parler des blocages qui les empêchent de faire plus pour le climat". "Beaucoup ont peur qu'on renonce à de gros salaires, à travailler pour eux", poursuit-elle.

- "Boîte à outils" -

L'idée est ensuite de fournir aux étudiants engagés pour le climat une sorte de "boîte à outils" sur ce qui est fait au sein de chaque entreprise, pour les aider à choisir leurs futurs employeurs, en les mettant éventuellement en concurrence.

Certains jeunes jugent possible de changer le système "de l'intérieur", en faisant bénéficier aux grands groupes de leurs compétences sur le sujet. D'autres font preuve de réalisme, à l'instar de Jean Laniau, étudiant en graphisme à la Haute école des arts du Rhin de Strasbourg: "j'aimerais travailler pour des associations culturelles, mais je sais que je trouverai plus facilement dans une agence de pub... C'est plus compliqué de faire pression quand on est en école d'art."

Cette pression, les étudiants la mettent aussi aussi au sein de leur propre école, partant du constat que l'enseignement supérieur n'offre pas de formation suffisante sur les enjeux de transition écologique.

Théo Miloche, en double master à Sciences-Po et HEC, résume: "nous sommes conscients des limites de notre modèle économique et du fait qu'il va falloir le transformer en profondeur. Il faut que les étudiants sortent de leurs écoles en étant formés à ces enjeux".

The Shift Project, un think tank qui traite des questions énergétiques, a étudié les formations de 34 établissements du supérieur (dont 12 écoles d'ingénieur, 6 écoles de commerces, 4 universités et 6 écoles formant des hauts fonctionnaires): seuls 11% proposent un cours obligatoire dédié aux enjeux climat-énergie, recense-t-il.

Signataire du manifeste et membre active du projet, Lalie Ory, 22 ans, étudiante à l'ENSTA ParisTech, une grande école d'ingénieurs, dit avoir entamé des discussions avec l'administration de son école. Elle milite pour que "des bases, sur les enjeux de l'environnement, soient posés au début de chaque cursus: la transition énergétique et écologique est transversale, il faut reprendre chaque matière à travers ce prisme".

Les étudiants ont aussi rencontré la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui aurait prêté une "oreille attentive" à leurs préoccupations. Ils comptent maintenant discuter avec d'autres ministères car, pensent-ils, "beaucoup n'ont pas saisi l'ampleur du sujet".

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