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Des enseignants inquiets de voir des élèves décrocher à cause du confinement

Dix jours après la fermeture des écoles pour freiner l'épidémie de coronavirus, des enseignants, de la maternelle au lycée, s'inquiètent pour les élèves en difficulté scolaire, dont ils ont parfois "zéro nouvelle" depuis la mise en place de l'enseignement à distance.

"Au total, je suis 120 élèves sur cinq classes, et à ce stade, il y a environ 40 d'entre eux pour lesquels j'ai zéro nouvelle", regrette Coline, professeure d'histoire-géographie en Seine-Saint-Denis.

Selon cette enseignante dans un collège en REP+, "cela ne signifie pas forcément qu'ils ont complètement décroché car ils n'ont peut-être juste pas de matériel informatique", ajoute-elle, donnant en exemple des devoirs qu'elle a reçus "via le téléphone d'un cousin de l'élève".

Mais elle insiste: "Seuls les meilleurs élèves - en tout cas ceux qui sont bons à l'écrit - vont comprendre les consignes, les attendus du prof. Donc on va avoir un fossé entre ceux qui peuvent travailler toute la journée uniquement avec de l'écrit, et ceux qui ne peuvent rien faire", s'inquiète Coline.

Pour Sophie Vénétitay, du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, "l'angle mort de l'enseignement à distance concerne les élèves qui reçoivent bien les exercices mais ne répondent pas... Le contact est rompu", décrit-elle.

Pour assurer la continuité pédagogique après la décision de fermer l'ensemble des écoles, l'Education nationale a annoncé mettre à disposition les ressources du Centre national d'enseignement à distance (Cned): des exercices en ligne adaptés aux programmes et une "classe virtuelle" où le professeur peut faire cours à ses élèves par visioconférence.

Même constat de "semi-échec" pour Olivier, enseignant d'une classe de CM2 à Vincennes. "Sur une classe de 27 élèves, je n'ai aucun retour par mail de 17 familles quand j'envoie des devoirs à effectuer, c'est beaucoup. Cela ne signifie pas qu'ils ne les font pas mais ils sont en dehors des radars", explique-t-il.

- "Abonnés absents"-

Depuis le début de la semaine, ils tentent "très difficilement" de joindre ces familles directement par téléphone, comme l'avait préconisé le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer la semaine dernière, pour maintenir le lien avec les familles, en les appelant chacune une fois par semaine.

A Rennes, Julie, enseignante en CE1 dans une école en REP, explique la "peur" du décrochage. "Il y a des enfants qui sont déjà en difficulté scolaire et qui ont des problèmes d'accès aux ressources qu'on met en ligne. Les parents sont dépassés par la situation, on a peur de les perdre", décrit-elle.

"Notre crainte à tous, surtout en REP, c'est de creuser un peu plus les inégalités entre les enfants, ça nous rend fous", lance cette enseignante qui a elle aussi "appelé tous les parents au moins une fois la semaine passée" et va "cibler les plus fragiles pour maintenir le contact".

En lycée professionnel, qui rassemble très souvent des élèves aux difficultés scolaires et sociales, "les élèves restent pour beaucoup aux abonnés absents", raconte Vincent Magne, professeur de lycée professionnel en lettres et histoire dans l'Aube.

"Sur 28 élèves, nous n'arrivons pas à joindre du tout une dizaine d'entre eux, qui d'ordinaire en classe ont déjà énormément de mal à se concentrer", témoigne-t-il.

Alors "c'est la débrouille, on passe par des camarades à eux pour tenter de les atteindre, en vain. Mais on ne peut pas passer non plus notre temps au téléphone", avoue-t-il.

Selon Alain-Romain Nitkowski, secrétaire national au Snetaa-FO, premier syndicat au niveau du lycée professionnel, on compte dans cette filière "70.000 décrocheurs sur 700.000 élèves depuis le début du confinement, c'est considérable", s'alarme-t-il, espérant que "le cycle des CAP pourra être porté à trois ans au lieu de deux pour beaucoup d'élèves".

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