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En France, une jeune femme au "combat" contre le virus du racisme anti-chinois

Elle est devenue le visage des Chinois de France depuis l'apparition du coronavirus: à 34 ans, Laetitia Chhiv est sortie de l'ombre pour "combattre" haut et fort le racisme qui touche sa communauté, sans craindre de faire des "remous".

Depuis deux semaines, elle enchaine interviews, duplex et plateaux TV. Un baptême du feu pour cette jeune Française à la voix douce devenue, malgré elle, la "défenseure" d'une communauté à qui elle veut donner plus de visibilité.

"Garde ton virus sale Chinoise", "alerte jaune"... Ces insultes proférées sur les réseaux sociaux ou dans la rue, l'Association des jeunes Chinois de France (AJCF) qu'elle préside en récolte des "dizaines" chaque jour avec l'idée de les médiatiser et d'encourager la mobilisation.

"Avant le coronavirus, la plupart des membres de notre communauté étaient passifs. Maintenant, les jeunes, dès qu'ils voient un post qui les choque, ils nous l'envoient", explique-t-elle. "Nous sommes devenus le lien entre les médias et les victimes", soutient-elle.

Même si elle n'a jamais été elle-même victime de racisme, "à part un +sale chintok+ au collège", Laetitia Chhiv a souhaité en faire son "combat" à la tête de l'association.

"Beaucoup de gens ne savent pas que nous sommes aussi victimes de racisme, on prend souvent ça pour des blagues, il y a tout un travail de sensibilisation à faire", déplore-t-elle.

Née en France, à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), Laetitia Chhiv, a grandi à Saint-Ouen, près de la capitale, puis à Paris, où ses parents, aujourd'hui à la retraite, tenaient un traiteur asiatique.

Originaires de Chine, ils ont vécu au Cambodge, pays qu'ils ont quitté en 1978 sous la dictature de Pol Pot.

A l'issue "d'une longue quête d'identité", elle s'est tournée "naturellement vers l'histoire chinoise" pour "mieux connaître ses origines". En doctorat à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE), elle est aujourd'hui en cinquième année de thèse sur les manuscrits chinois antiques.

A terme, elle veut travailler dans le monde culturel franco-chinois, pour continuer d'être un "relais" entre ces deux mondes.

- "Française mais pas seulement" -

"J'ai eu besoin de faire de la recherche, je me suis dit +oui je suis française mais pas seulement+, j'ai appris à assumer", se souvient-t-elle, "autant à l'aise dans un milieu français que chinois", parlant parfaitement le mandarin, le français ou un dialecte chinois.

De retour en France en 2018, après avoir vécu trois ans à Shanghai pour apprendre la paléographie (histoire de l'écriture) chinoise, elle a souhaité s'engager "pour rendre la société vraiment multiculturelle et moins raciste".

"Nos parents étaient très discrets car préoccupés par leurs problèmes économiques. Ils voulaient, à tout prix, qu'on réussisse nos études sans faire de remous", observe Laetitia Chhiv. Maintenant, "nous, la nouvelle génération, on connait la culture française, la langue, on sait comment ça marche, il faut passer à l'étape suivante, investir la société".

Daniel Tran, l'ancien président de l'AJCF,"l'a repérée toute suite" quand elle est arrivée il y a un an en tant que bénévole: "Pour moi, c'était la seule personne qui pouvait me succéder", dit l'actuel vice-président de 28 ans.

Selon lui, Laetitia est "la première vitrine de l'asso" car la première femme présidente, forte d'une "certaine maturité" et d'un "charisme".

Et la jeune femme ne chôme pas: Éducation nationale, Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), préfecture du Val-de-Marne, Défenseur des droits ou SOS racisme... La présidente, en poste depuis six mois, est présente sur tous les fronts pour "sensibiliser" à la question du racisme anti-chinois.

L'un des fondateurs de l'AJCF, Rui Wang, regrette toutefois qu'elle soit "très peu connue" de la communauté et de "nos parents", parce qu'elle serait trop tournée vers la société française.

"Loin" des critiques", Laetitia Chhiv assure que l'AJCF est devenue l'association "la plus visible": "Nous sommes une référence pour les institutions, leur seul interlocuteur" pour prendre le pouls des quelque "600.000" Chinois de France, affirme fièrement la présidente.

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