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Indonésie: épidémie mortelle en Papouasie

L'épidémie mortelle de rougeole et la malnutrition, qui ont provoqué la mort de dizaines d'enfants en Papouasie, dans l'est de l'Indonésie, risque de se répéter si les autorités n'agissent pas rapidement pour sortir cette province de la pauvreté et de l'isolement, selon des experts.

Environ 800 enfants sont tombés malades et une centaine seraient morts, pour l'essentiel des bébés, à la suite de cette épidémie rendue publique pour la première fois au début du mois.

Face à la gravité de la situation, le président indonésien, Joko Widodo, a ordonné à des équipes militaires et médicales d'approvisionner en biens de première nécessité et en médicaments des villages isolés de la région, accessibles pour la plupart seulement par bateau ou par les airs.

La crise sanitaire qui frappe cette province riche en ressources naturelles s'explique par des décennies de négligence de la part des autorités peu soucieuses du développement des infrastructures, de la lutte contre la corruption et la pauvreté pour sortir la région de l'isolement, relèvent des analystes.

De nombreux villages pauvres dans le district d'Asmat sont très éloignés de tout, à l'image d'Ayam, petite commune où une vingtaine d'enfants ont été touchés par l'épidémie de rougeole. Dix heures de bateau séparent le village de Timika, la grande ville la plus proche où des parents ont dû se rendre pour amener leurs enfants à l'hôpital.

"Pour empêcher (les crises) de se répéter à l'avenir, nous devons mettre fin à l'isolement", prévient Natalius Pigai, un ancien membre de la Commission nationale pour la défense des droits de l'homme.

De nombreux papous vivent dans des conditions de semi-nomadisme, dans des endroits de la jungle difficiles à atteindre et quasiment sans soins médicaux ni écoles ou autres prestations de base, comme l'accès à l'eau potable. Et certains habitants refusent les vaccins qui permettent de prévenir les épidémies.

Les autorités créent de nouveaux districts en Papouasie et tentent de relocaliser nombre de Papous dans des villages de la province annexée en 1969 par l'Indonésie, à l'issue d'un conflit sanglant, après plus d'un siècle de colonisation néerlandaise.

Mais ces changements forcent les habitants à s'adapter à un tout nouveau mode de vie et à des aliments non traditionnels venant de loin, souvent périmés quand ils arrivent sur cette île dont la moitié orientale est partagée par la Papouasie-Nouvelle Guinée, pays indépendant.

- "Changer d'attitude" -

En arrivant au pouvoir en 2014, le président Jokowi a promis d'accélérer le développement des infrastructures et des services en Papouasie, faisant naître des espoirs d'amélioration des conditions.

"Il est important que le gouvernement fasse ce qu'il dit, mais en réalité ce n'est pas fait", constate Richard Chauvel, expert de la Papouasie à l'Institut d'Asie de l'université de Melbourne.

Une grande part de responsabilité dans la situation actuelle incombe aux autorités politiques régionales et leur "manque de leadership", estime Freddy Numberi, un ancien gouverneur de Papouasie.

Cette région pauvre bénéficie d'aides financières importantes du gouvernement central, mais la plupart des fonds n'est pas utilisée pour l'amélioration des services de santé et d'éducation, ajoute-t-il, en faisant allusion à la corruption.

"On pourrait dire que c'est en fait un paradoxe -- ils ont tout mais ils rejettent la responsabilité sur le gouvernement central", déplore M. Numberi.

La présence dans cette province de l'une des plus grandes mine d'or et de cuivre à ciel ouvert au monde, exploitée par la multinationale américaine Freeport-McMoRan, rapporte pourtant chaque année 600 millions de dollars (482 millions d'euros) en recettes fiscales, comme le relève Andreas Harsono, de l'ONG Human Rights Watch (HRW).

Mais des indicateurs liés à la santé montrent qu'une petite partie seulement de cet argent va aux indigènes papous, dit-il en soulignant que la province a l'espérance de vie la plus faible de toute l'Indonésie.

"J'espère que cette crise va aider certaines personnes ici --du moins celle qui sont au pouvoir-- à changer d'attitude, car si tout reste comme avant, une autre crise éclatera également l'an prochain", conclut-il.

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