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Juger la France pour inaction climatique? La pétition fait recette

Plus de 1,8 million de signatures, pour quoi faire? Les quatre ONG à l'origine de la pétition pour un recours en justice contre l'État français pour inaction climatique espèrent que son succès inattendu et colossal va inciter le gouvernement à agir.

Vendredi matin, cette pétition en ligne lancée par Greenpeace, Oxfam, la Fondation pour la nature et l'Homme (FNH) et l'association Notre affaire à tous, disponible sur le site dédié laffairedusiècle.net, revendiquait 1,82 million de soutiens en dix jours.

Du jamais vu pour une pétition en ligne. Celle contre la loi travail, en 2016, avait réuni 1,37 million de signataires sur le site change.org et celle "pour une baisse du prix des carburants à la pompe", lancée par l'une des figures des "gilets jaunes", en compte 1,17 million depuis son lancement en mai.

Ce succès s'explique car "ce n'est pas une simple pétition, mais un soutien à un recours juridique", selon Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace.

Les quatre ONG veulent attaquer l'État devant les tribunaux, estimant que son action est insuffisante pour lutter contre le changement climatique.

Elles ont adressé le 17 décembre une requête préalable au gouvernement, qui a deux mois pour leur répondre. Les ONG prévoient dans un second temps, entre la mi-février et la mi-mars, d'introduire un recours devant le tribunal administratif de Paris, une première en France.

- Une plainte, plus contraignante -

"Cette recherche d'un impact réel motive les gens", estime Jean-François Julliard.

C'est le cas d'Amélie, 36 ans, qui a signé: "+Notre maison brûle et nous regardons ailleurs+. Ça fait des années qu'on le dit et il ne se passe rien", se désole la jeune femme, en reprenant la mise en garde prononcée en 2002 par l'ancien président Jacques Chirac. "J'espère qu'une plainte sera plus contraignante."

Les réseaux sociaux ont servi de caisse de résonance, la pétition étant soutenue par des youtubeurs (McFly & Carlito), des humoristes (Akim Omiri, Elie Semoun), des acteurs (Juliette Binoche), des scientifiques (Aurélien Barrau)...

"C'est beaucoup la jeunesse" qui répond à l'appel, souligne Marie Toussaint, présidente de Notre affaire à tous.

Cette mobilisation s'inscrit dans la foulée des succès des "marches pour le climat" ayant réuni des dizaines de milliers de personnes en France en septembre après la démission de Nicolas Hulot du gouvernement en octobre puis en décembre pendant la COP24 en Pologne.

Fortes de ce soutien, les ONG espèrent que le gouvernement aura "moins la possibilité de faire la sourde oreille".

- "Refus de l'impuissance" -

Deux jours après la mise en ligne de la pétition, le ministre de la Transition écologique François de Rugy avait assuré à l'AFP être "très heureux que les citoyens se mobilisent en nombre pour le climat".

Mercredi, il a toutefois estimé dans le Parisien que "ce n'(était) pas à des juges de forcer le gouvernement à prendre une loi".

Il ne s'agit pas de faire voter de nouvelles lois, affirme à l'AFP Audrey Pulvar, présidente de la FNH, mais "d'obliger l'État à respecter ses propres lois".

"Il y a des liens étroits entre les droits humains, la question du réchauffement climatique et la justice", insiste la climatologue Valérie Masson-Delmotte sur RFI.

Là où le ministre voit dans cette pétition "une réplique aux mouvements des +gilets jaunes+ qui parlent parfois de l'écologie comme d'un problème", Marie Toussaint y décèle au contraire "la même envie de participer aux décisions", ainsi qu'"un refus de l'impuissance face au dérèglement climatique".

Les ONG peuvent s'appuyer sur plusieurs démarches similaires à l'étranger. Aux Pays-Bas, un tribunal, saisi par l'ONG Urgenda au nom de 900 citoyens, a ordonné en 2015 à l'État de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 25% d'ici à 2020. Le jugement a été confirmé en octobre. Aux États-Unis, une vingtaine de jeunes ont déposé un recours dans l'Oregon, réclamant au gouvernement une baisse des émissions.

En novembre, le maire écologiste de Grande-Synthe (Nord) avait engagé un recours gracieux auprès de l'État pour le même motif.

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