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L'étang de Thau, fragile miroir de l'avenir

Laboratoire à ciel ouvert dans lequel on peut lire l'avenir d'autres écosystèmes, l'étang de Thau, lagune fortement urbanisée de quelque 7.000 hectares, est frappé de plein fouet par le réchauffement climatique et par des alertes sanitaires fragilisant la conchyliculture.

Véritable mer intérieure, séparée de la Méditerranée par le Mont Saint-Clair et un bras de sable, l'étang a été touché en août par le phénomène de la malaïgue - mauvaise eau en occitan - une chute de la teneur en oxygène de l'eau provoquée par la conjugaison de chaleurs caniculaires et d'absence de vent.

Or le bassin de Thau, classé Natura 2000, constitue la plus grosse zone conchylicole de la Méditerranée (10% de la production nationale d'huîtres et quelque 3.000 emplois).

"Un tiers des coquillages sont morts, certains conchyliculteurs ont 100% de pertes", affirme à l'AFP Jean-Christophe Cabrol, conchyliculteur à Bouzigues et vice-président du Comité régional conchylicole de Méditerranée (CRCM).

"On a relevé des températures dans l'eau à plus de 29 degrés pendant huit jours", précise Franck Lagarde, de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), rappelant que la malaïgue - reconnaissable à la coloration blanche des eaux - ne s'était plus manifestée sur l'étang depuis 2006.

Une commission départementale doit interpréter jeudi les résultats des expertises effectuées sur le terrain du 14 au 20 août pour évaluer l'ampleur des pertes, a précisé à l'AFP Cédric Indjirdjian, directeur adjoint des territoires et de la mer (DDTM) de l'Hérault.

"Les producteurs qui n'ont pas de réserves de trésorerie sont menacés, ce sont des familles entières qui sont touchées", souligne M. Cabrol alors que la profession se réunit mardi à Montpellier au plan national. Du côté des indemnisations, "on nous a promis monts et merveilles, on attend du concret", ajoute-t-il.

"Les entreprises conchylicoles étaient déjà fragilisées par des fermetures sanitaires" récurrentes dues au norovirus ou aux phytotoxines de type alexandrium et "la malaïgue est un problème de plus à gérer" pour elles, souligne M. Indjirdjian.

- "Les efforts sont à poursuivre" -

Durant les cinquante dernières années, le territoire de Thau, situé à l'arrière du port de Sète, a connu une très forte urbanisation qui a engendré des problèmes de déplacements, d'assainissement et de pollution.

En 2005, le syndicat mixte du bassin de Thau a été créé pour coordonner des actions de préservation de la lagune.

Depuis, la qualité des eaux s'est améliorée, avec la mise aux normes des stations d'épuration, même si des problèmes d'assainissement ponctuels demeurent, notamment en cas de fortes pluies.

Mais "aujourd''hui on est amenés à répondre à de nouvelles questions de société en particulier vis-à-vis des virus" et "compte tenu du principe de précaution, parfois il y a des mesures de gestion qui sont assez dures pour la filière conchylicole", explique Franck Lagarde.

"On subit le principe de précaution", renchérit Jean-Christophe Cabrol, estimant que les interdictions récurrentes de récolte et de vente de moules, huîtres et palourdes frappent les trésoreries et font une "mauvaise publicité".

Pour cesser de subir le réchauffement climatique et les alertes sanitaires, la profession envisage de mettre à l'abri une partie de sa production dans des bassins artificiels.

L'étang de Thau est scruté au plan international. C'est une "lagune fermée qui constitue un laboratoire à ciel ouvert", souligne M. Lagarde: certains scientifiques viennent de l'étranger, notamment du Canada et du Japon, se pencher sur "cette lentille d'eau très sensible", où ils peuvent "un peu lire dans l'avenir", en observant "des processus qui pourraient être semblables dans quelques années chez eux".

Les signes d'une véritable "restauration écologique" d'un étang à la riche biodiversité sont visibles, selon Franck Lagarde, avec par exemple "un retour des herbiers ces dix dernières années" ou encore celui de centaines d'hippocampes.

Et les lignes des milliers de tables conchylicoles forment de véritables récifs artificiels pour les crevettes, oursins, anémones, dorades...

Mais, ajoute le chercheur, "les efforts sont à poursuivre", d'autant que la santé des milieux naturels du bassin conditionne l'avenir de la pêche et de la conchyliculture.

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