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La blanchisserie de la Pitié-Salpêtrière digère 33 tonnes de linge "potentiellement contaminé" par jour

A l'ombre des unités de l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, une centaine de blanchisseurs trient, lavent, sèchent inlassablement draps jaunes, blouses blanches et alèses vertes "potentiellement contaminés" par le Covid-19 ou par tout autre agent infectieux.

"Nous traitons chaque jour 33 tonnes de linge sale: 23.000 draps, 10.000 alèses, 10.000 taies, 18.000 vêtements de travail, 8.000 chemises de patients ...", égrène Jean-Charles Grupeli, directeur du pôle logistique et technique dont dépend la blanchisserie centrale de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP).

A l'entrée de la "zone sale", des centaines de gros sacs orange, bleus, rouges venant de 38 sites hospitaliers différents attendent leur tour. A l'intérieur, pantalons, blouses, chemises sont équipés d'une puce permettant leur identification. Ils retrouveront leurs propriétaires dans moins de 24 heures en moyenne.

Mais avant cela, tout le linge va suivre un parcours de santé, finement orchestré par près de 120 personnes et autant de machines. Cinq jours sur sept, de 6h30 à 19h00. La buanderie ouverte en 1898 où s'activaient les religieuses, convalescents ou proches de malades, a laissé place à des chaînes de traitement industrielles.

Tout commence par "l'atelier tri". Une dizaine d'agents, équipés de surblouses, masques et charlottes, séparent, en musique, les couvertures jaunes des blouses bleues, des alèses vertes et des quelques vêtements roses "de la mater".

"On ne travaille pas par salissure mais par article", explique un blanchisseur, lunettes de protection sur le visage. Dans la grande salle, l'air est constamment renouvelé, un impératif sanitaire qui évite, par la même occasion, toute odeur de chaussettes sales.

Covid ou pas Covid, "on considère que tout le linge est potentiellement contaminé", explique Cédric Martin, directeur fonction linge.

- "Zone propre" -

Lors de la première vague, le virus a largement impacté les effectifs. A la mi-mars, "il a fallu pourvoir un tiers des postes avec des bénévoles, venus nombreux, du cinéma, de l'administration financière, de la restauration ...", raconte Jean-Charles Grupeli, qui se souvient de la "bonne ambiance" mais aussi d'avoir dû "retirer tout ce que la convivialité a de sympathique" comme "boire un verre ou manger ensemble", pour protéger les personnels.

Au plus fort de la crise, la demande de linge hospitalier a baissé, les non-Covid ayant déserté l'hôpital, mais le volume de vêtements de travail a augmenté de 25%. Et il a également fallu mettre en place un circuit spécifique pour laver les surblouses, censées être à usage unique, face à la pénurie d'équipement.

Au-dessus de l'atelier tri, quatre "tunnels de lavage" aux allures de gros wagons métalliques passent l'ensemble du linge dans des bains à 60 degrés (contre 40 avant l'arrivée du Covid-19).

Une fois sorti des essoreuses, il obtient son ticket d'entrée pour la "zone propre" où s'orchestre un hypnotique ballet dans une légère odeur... de propre.

"J'engage les draps et la machine les aspire pour les suspendre et les diriger vers les machines qui sèchent et plient", décrit Angela Couchy, agent blanchisseuse depuis 15 ans. Pour alterner l'utilisation du bras droit et du bras gauche et ne pas rester toute la journée dans la même position, les équipes tournent sur tous les postes, à l'engagement, l'étalement, la pose sur cintre, l'emballage...

Suspendus dans les airs, des draps jaunes et des alèses vertes se croisent en se déployant dans les virages, avant d'être avalés par une nouvelle machine et en ressortir bien pliés. "Le transporteur de pile" se charge ensuite de les envoyer vers l'emballage.

Le tout dans un bruit assourdissant. "Quand ça s'arrête, on est content", reconnaît Angela Couchy.

Un peu plus loin, les vêtements, suspendus sur des cintres, ont aussi droit à leur scène finale: dans un mouvement de rails bien huilé, pantalons bleus, blouses blanches et chemises vertes envahissent l'espace, partent à gauche, à droite, font un stop, se séparent... pour finalement s'immobiliser, bien rangés "par établissement, service, porteur et taille", commente Cédric Martin.

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